La mission indienne Chandrayaan-3 est la première à se poser sur le pôle sud de la Lune. Cependant, l’Inde ne sera pas le dernier à le faire. D’autres agences et pays ambitionnent en effet de s’établir dans cette région au cours de ces prochaines années, à commencer par la NASA et la Chine qui prévoient la construction d’une base in situ. Pourquoi tout cet intérêt pour le pôle sud lunaire ?
Le bien le plus précieux du pôle sud lunaire
L’intérêt porté au pôle sud lunaire en tant que site d’atterrissage est principalement motivé par le fait que nous savons que la région héberge de l’eau sous forme de glace. L’eau est bien sûr essentielle à la vie telle que nous la connaissons, mais notez qu’elle peut également avoir d’autres usages. En plus d’abreuver les astronautes et les cultures et de fournir de l’oxygène, elle pourrait en effet être transformée en liquide de refroidissement pour des équipements ou même fournir du carburant pour fusée par exemple. De cette manière, la Lune pourrait alors servir de « station-service » à partir de laquelle nous pourrions rejoindre Mars dans un avenir proche.
Par ailleurs, l’analyse de cette eau pourrait avoir une valeur scientifique. Elle pourrait en effet être utilisée comme pour enregistrer l’activité géologique sur la Lune, comme celle des volcans lunaires, et même servir pour le suivi des frappes d’astéroïdes.
Une quête de plusieurs décennies
Plusieurs missions spatiales ont contribué à la détection de la présence d’eau sous forme de glace au pôle sud lunaire. En 1994, la mission américaine Clementine avait notamment utilisé son instrument appelé « Near-Infrared Mapping Spectrometer » pour effectuer des observations spectroscopiques de la surface lunaire. Ces données avaient alors fourni des indices de la présence d’eau sous forme de glace aux pôles lunaires. À la fin des années 90, la mission Lunar Prospector, toujours dirigée par la NASA, avait également contribué à la détection d’hydrogène, ce qui avait été interprété comme suggérant la présence potentielle de glace d’eau aux pôles.
Un peu plus tard, l’agence indienne avait elle aussi joué un rôle essentiel dans la première détection de cette eau lunaire. En 2008, son vaisseau spatial Chandrayaan-1 avait en effet transporté un instrument scientifique fourni par la NASA appelé Moon Mineralogical Mapper en orbite lunaire. Ce dernier avait alors permis de déterminer l’existence de glace d’eau à l’intérieur des cratères du pôle sud de la Lune.
L’année suivante, la sonde américaine Lunar Crater Observation and Sensing Satellite (LCROSS), lancée en même temps que le Lunar Reconnaissance Orbiter (LRO), avait délibérément percuté l’un des cratères de la région. L’impact avait alors créé un panache de débris qui contenait des molécules d’eau d’après les analyses.
Il demeurait cependant une légère incertitude dans la mesure où la molécule hydroxyle (OH) était souvent confondue avec la molécule d’eau (H2O) par les instruments. Cette crainte a depuis été apaisée grâce aux données du télescope de l’Observatoire stratosphérique pour l’astronomie infrarouge (SOFIA) de la NASA qui ont confirmé en 2020 la première détection sans ambiguïté d’eau au pôle sud lunaire.

Un terrain prometteur, mais compliqué
La présence de cette eau dans la région s’explique surtout par le fait que seuls les sommets élevés y sont éclairés par le Soleil. En effet, notre étoile est toujours positionnée autour de l’horizon en raison de l’inclinaison de la Lune. Les zones les plus basses sont donc baignées en permanence dans l’ombre, et ce, depuis plusieurs milliards d’années. Sur place, les températures peuvent descendre jusqu’à -250 °C.
S’il est difficile d’estimer les quantités présentes, la Planetary Society estime que les deux pôles lunaires abritent plus de 600 millions de tonnes de glace d’eau. Et selon les experts, il s’agit là d’une estimation basse.
En attendant les futures bases lunaires de la Chine et des États-Unis, ces deux pays vont envoyer des « émissaires » sur place pour évaluer la situation. La NASA va ainsi bientôt lancer son rover VIPER, dont l’objectif sera de détecter la présence de glace d’eau dans l’un de ces cratères l’année prochaine. L’agence spatiale chinoise prévoit quant à elle d’y envoyer sa mission Chang’e 7 en 2026 ainsi qu’un nouveau rover lunaire.
Naturellement, se poser dans la région ne sera pas simple. La nature ombragée du pôle sud lunaire, qui contribue à préserver sa glace d’eau, rend en effet les atterrissages encore plus délicats que d’ordinaire. Rappelons en effet que la plupart des véhicules de descente lunaire s’appuient sur des caméras pour guider leur approche finale vers la surface, le but étant de pouvoir éviter les obstacles. Les risques sont également amplifiés par le fait que le pôle sud lunaire est fortement cratérisé et qu’il ne dispose pas de grandes étendues de terrain plat comme on en trouve au niveau de l’équateur lunaire par exemple.