Pourquoi les pays du Sud sont-ils les plus affectés par le changement climatique ?

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C’est un fait : les pays et les populations à faibles revenus sont globalement les plus touchés par le changement climatique et ses nombreux impacts. Pour mieux cerner les causes de cette fragilité, il est utile de se placer à l’intersection entre trois dimensions : l’exposition, la vulnérabilité et la résilience.

L’exposition permet de définir la susceptibilité à être affecté par un stress ou un aléa (sécheresses, vagues de chaleur, inondations, etc.). La vulnérabilité permet d’en évaluer les impacts, c‘est-à-dire à quel point les éléments exposés sont touchés. Enfin, la résilience exprime la capacité à rebondir après un choc ou un stress, le cas échéant, la capacité à absorber et se remettre d’un épisode climatique de forte amplitude.

Les pays à faibles revenus sont plus exposés aux effets du changement climatique

Par leur localisation dans la bande tropicale, les pays à faibles revenus sont plus exposés au changement climatique que les pays situés à l’extérieur. En effet, la ceinture tropicale connaît un climat plus extrême. Le niveau des températures et l’intensité du cycle hydrologique sont plus marqués qu’aux moyennes et hautes latitudes. Ainsi, lorsqu’elles surviennent, les pluies, les vagues de chaleur et les sécheresses sont plus intenses. Les précipitations sont souvent rythmées par un mode annuel (moussons), ce qui implique qu’un loupé de la saison des pluies aura rapidement de graves conséquences. Or, avec le réchauffement, l’intensité de ce cycle hydrologique se renforcera encore un peu plus et les températures, déjà situées à la limite haute, devraient atteindre des niveaux létaux sur certains domaines péri-équatoriaux.

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Vulnérabilité des pays au changement climatique. Crédits : The Conversation.

D’un autre côté, la variabilité thermique est faible comparée aux latitudes extratropicales. La gamme de températures à laquelle les individus et écosystèmes se sont adaptés est donc bien plus étroite. Pour ces raisons, le réchauffement climatique menace plus fortement les systèmes naturels et humains situés dans la ceinture tropicale. Bien qu’il existe quelques exceptions à ce tableau général, on réalise ainsi que les pays les plus touchés par le changement climatique sont également ceux qui abritent les économies et les populations les plus fragiles, car tributaires d’habitations rudimentaires ainsi que d’un travail et d’un mode de vie exposés aux conditions climatiques (activités en extérieur, travail de la terre, etc.).

Les pays à faibles revenus sont plus vulnérables par les dérèglements climatiques

Outre l’exposition, les pays à faibles revenus subissent plus lorsqu’ils essuient un aléa. Et pour cause, ces pays reposent sur des secteurs particulièrement sensibles aux conditions climatiques. L’exemple le plus percutant est sans doute la place de l’agriculture, mais l’on peut également citer le domaine de la pêche ou des forêts. Aussi, une importante partie de l’économie de ces pays dépend de secteurs très affectés par le climat et son évolution. Ils sont donc souvent les plus à même de subir de lourdes pertes économiques à la suite d’un aléa, ce qui contribue à les maintenir dans une situation difficile et vulnérable.

De plus, leurs capacités financières sont généralement limitées et le pouvoir institutionnel fragile, ce qui ne permet pas d’établir des plans d’adaptation et de prévention efficaces. En altérant les régimes hydrologiques et thermiques, le changement climatique intervient ainsi comme un amplificateur de difficultés structurelles existant par ailleurs. Un exemple fort est le lourd tribut qu’essuient les pays et les populations à faibles revenus en cas d’augmentation du prix des denrées alimentaires, qu’elle soit d’origine climatique ou non.

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Enfin, il faut noter que les populations pauvres possèdent peu de richesses sous forme virtuelle (compte en banque, épargne, etc.). Souvent, ce sont les troupeaux, les terres et les logements qui matérialisent ces richesses. Autrement dit, il s’agit d’une forme fragile qu’un aléa climatique aurait vite fait d’emporter. Le risque de pertes est donc bien plus élevé. Si quelques exceptions existent là aussi, on constate que pour un même aléa climatique, les pays à faibles revenus sont souvent plus durement touchés que les pays à hauts revenus qui jouissent d’une économie relativement peu dépendante des secteurs sensibles au climat avec un pouvoir institutionnel fort et des richesses souvent virtuelles et diversifiées.

Les pays à faibles revenus sont moins résilients aux changements climatiques

S’ils sont plus exposés et plus vulnérables aux effets du changement climatique, les pays pauvres sont également moins résilients. Leur capacité à absorber et se remettre d’un choc est bien moins élevée que celle des pays développés. Et pour cause, outre la faiblesse du pouvoir institutionnel et des moyens matériels et humains, les populations de ces pays ne sont souvent pas couvertes par des systèmes de protection sociale. Or, ceux-ci constituent l’un des outils majeurs utilisés par les pays pour venir en aide à leur population. Il en va de même pour les services assurantiels et de santé, ce qui rend toute tentative de récupération difficile.

Au niveau des ménages, et en particulier des ménages les plus modestes, cela s’illustre par la difficulté à obtenir des prêts, des dédommagements et, plus généralement, à accéder aux marchés de la finance (une difficulté d’accès qui vaut également à l’échelle macroéconomique). Ajoutée à la matérialité des actifs et à leur faible diversité, cette situation ne permet pas de surmonter facilement un stress ou un choc. Là aussi, le changement climatique intervient comme un amplificateur de pauvreté. Il fragilise les pays frappés à la fois de façon directe, mais aussi de façon indirecte en augmentant les inégalités socio-économiques et donc la stabilité des états, d’où les difficultés à se relever et à retrouver une situation proche de celle qui prévalait avant le choc.

Sources : Unbreakable : Building the Resilience of the Poor in the Face of Natural Disasters, H. Stephane, 2017 / Shock Waves : Managing the Impacts of Climate Change on Poverty, H. Stephane, 2016 / Inégalités mondiales et changement climatique, C. Guirvach & N. Taconet, 2020 / Loss and damage: Who is responsible when climate change harms the world’s poorest countries ?, The Conversation, 2022.