Au cours de ces dernières années, des chercheurs chinois ont observé plusieurs dizaines de pandas géants en train de s’enduire le corps de fumier de cheval. Dans le cadre d’une étude, publiée dans les Proceedings of the National Academy of Sciences, ils proposent une explication possible à ce comportement étrange.
Il y a une dizaine d’années, des chercheurs de l’Académie chinoise des sciences ont observé un panda géant, évoluant à l’état sauvage, en train de se rouler dans un gros tas de fumier de cheval (mélange de déjections et de litière végétale). Intriguée par ce comportement rarement observé chez les mammifères, l’équipe a dès lors commencé à le surveiller davantage. Et visiblement, ce n’était pas un cas isolé.
Au cours de la dernière décennie, ces chercheurs ont en effet documenté 38 observations similaires à l’état sauvage. Le processus est souvent le même : les pandas reniflent le fumier, frottent leurs joues dessus puis se roulent dedans de manière à recouvrir l’ensemble de leur corps de cette nouvelle « peau ».
Se sont alors posées les questions suivantes : pourquoi les pandas géants se roulent-ils dans le fumier de cheval ? Est-ce pour masquer leur odeur ? S’agit-il d’une technique de camouflage visuel ? Pour tenter de le savoir, les chercheurs de l’Académie chinoise des sciences ont collaboré avec le zoo de Pékin.
Une sensation de chaleur pour se protéger du froid ?
Dans le cadre de cette étude, les chercheurs ont remarqué que les pandas ne se préoccupent que du fumier « frais » et qu’ils n’opèrent ce genre de pratique que lorsque les températures tombent en dessous de 15°C. Ils ont ainsi naturellement suggéré que ces animaux utilisent le fumier pour se protéger davantage du froid.
Dans cet esprit, les chercheurs ont alors commencé à étudier le fumier de cheval. Ils ont alors isolé deux produits chimiques : le bêta-caryophyllène (BCP) et l’oxyde de caryophyllène (BCPO). Tous deux sont aromatiques et se dissipent rapidement. En appliquant ces deux produits dans la paille qui tapissent les enclos des pandas du zoo de Pékin, ils ont alors constaté qu’ils se roulaient dedans quand il faisait froid, tout comme les pandas sauvages le font avec le fumier.
En parallèle, les chercheurs ont également testé la réponse de souris de laboratoire à ces deux produits chimiques en les intégrant à leur pelage. Les rongeurs ont ensuite été amenés à se déplacer dans des assiettes chaudes et froides. Les chercheurs ont alors constaté que les rongeurs ayant reçu du BCP/BCPO étaient beaucoup plus susceptibles que les rongeurs témoins de s’aventurer dans l’environnement le plus froid et de moins se recroqueviller pour se réchauffer.
La raison pour laquelle les pandas équipés de certains des manteaux de fourrure les plus épais du règne animal se roulent dans le fumier est encore à déterminer précisément. D’après l’équipe, le bêta-caryophyllène et l’oxyde de caryophyllène ne protègeraient en effet pas les pandas (et les souris) du froid au sens propre, mais ils pourraient en revanche leur procurer une « sensation de chaleur » similaire au Vicks Vaporub sur la peau humaine.