La Mer d’Aral, autrefois le quatrième plus grand lac du monde, est aujourd’hui un symbole frappant des conséquences dramatiques de la gestion environnementale hasardeuse. Située entre le Kazakhstan et l’Ouzbékistan, cette vaste étendue d’eau s’étendait sur 68 000 km² dans les années 1960. Pourtant, en seulement quelques décennies, elle s’est réduite à une fraction de sa taille initiale. Ce déclin, orchestré par l’Union soviétique, résulte d’un projet d’irrigation massif. Cet article explore les raisons de cette catastrophe, ses conséquences à long terme et les efforts de restauration entrepris.
Le contexte : l’importance économique de l’irrigation
Dans les années 1950, l’Union soviétique lance un vaste programme pour augmenter la production agricole. La culture intensive du coton, surnommé « l’or blanc », devient une priorité. Le Kazakhstan et l’Ouzbékistan étaient stratégiquement choisis pour leur climat chaud et leurs sols fertiles. Cependant, ces terres arides étaient dépendantes de l’eau des fleuves Amou-Daria et Syr-Daria, qui alimentaient la Mer d’Aral.
Pour maximiser l’irrigation, les ingénieurs soviétiques conçoivent un réseau massif de canaux, de barrages et de réservoirs, visant à rediriger ces fleuves vers les champs de coton. Cette stratégie permet à l’URSS de devenir l’un des plus grands producteurs de coton au monde, mais elle établit également les bases d’une catastrophe environnementale.
L’asséchement progressif de la Mer d’Aral
Le détournement des fleuves a rapidement réduit l’approvisionnement en eau de la Mer d’Aral. Dans les années 1970, les niveaux d’eau commencent à baisser de manière spectaculaire. Les images satellites des décennies suivantes montrent une rétraction dramatique de la superficie de la mer.
Entre 1960 et 2000 :
- Volume d’eau : Réduction de 75 %.
- Surface : Perte de 60 % de son extension initiale.
- Salinité : Multiplication par dix, rendant l’eau impropre à la vie aquatique.
En 1989, la mer se scinde en deux parties : la Petite Mer d’Aral (au nord) et la Grande Mer d’Aral (au sud). La deuxième partie continue de se fragmenter en plusieurs bassins isolés.
Les raisons derrière ce choix politique
1. Les ambitions agricoles
La culture du coton était une priorité économique pour l’URSS. En augmentant la production, le gouvernement soviétique espérait non seulement stimuler son économie mais aussi renforcer son influence internationale. La stratégie d’irrigation était perçue comme un succès technique et un triomphe de l’homme sur la nature.
2. Une méconnaissance des conséquences écologiques
Les ingénieurs soviétiques, bien que compétents, sous-estimaient l’importance écologique de la Mer d’Aral. Ils considéraient cette masse d’eau comme un simple réservoir, ignorant ses fonctions vitales :
- Maintien d’un écosystème riche en biodiversité.
- Régulation du climat local.
- Source de subsistance pour les populations locales.
3. Une absence de volonté de réparation
Malgré les premiers signes de dégradation, les priorités politiques et économiques ont surpassé les préoccupations écologiques. Les autorités ont même accepté l’idée que la Mer d’Aral puisse disparaître, tant que les récoltes continuaient d’augmenter.

Les conséquences d’une telle catastrophe
1. Un désastre écologique
La Mer d’Aral était autrefois riche en poissons, fournissant des milliers d’emplois dans l’industrie de la pêche. Avec l’augmentation de la salinité, la plupart des espèces aquatiques ont disparu. De plus, les régions environnantes ont été affectées par des tempêtes de sable chargées de sel et de pesticides, contaminant les sols et l’air.
2. Un impact humain profond
Les communautés locales, dépendantes de la pêche et de l’agriculture, ont vu leur mode de vie détruit. Les problèmes de santé, notamment les maladies respiratoires et les cancers, se sont multipliés en raison de la pollution.
3. Un changement climatique local
La disparition de la Mer d’Aral a modifié le climat régional. Les étés sont devenus plus chauds et les hivers plus froids, rendant l’agriculture encore plus difficile.
Les efforts de restauration
Depuis l’effondrement de l’Union soviétique en 1991, des initiatives ont été lancées pour sauver ce qui reste de la Mer d’Aral. Parmi elles :
1. Le projet de la Petite Mer d’Aral
Le Kazakhstan, avec l’aide de la Banque mondiale, a construit le barrage de Kokaral en 2005. Ce barrage empêche l’eau de s’écouler vers la Grande Mer d’Aral, permettant à la Petite Mer de se remplir à nouveau. Les résultats sont encourageants :
- Le niveau d’eau a augmenté.
- La salinité a diminué, favorisant le retour de certaines espèces de poissons.
- La pêche a repris dans certaines zones.
2. Les initiatives internationales
Des organisations écologiques collaborent pour sensibiliser le public et financer des projets de reboisement afin de stabiliser les sols autour de l’ancienne mer.
3. Les limites des efforts
Malgré ces initiatives, la Grande Mer d’Aral continue de se dégrader. Les fonds manquent, et les différents gouvernements de la région peinent à coopérer.

Une leçon pour l’avenir
L’asséchement de la Mer d’Aral est une leçon douloureuse sur les dangers de l’exploitation irresponsable des ressources naturelles. Il illustre l’importance de l’équilibre entre le développement économique et la préservation de l’environnement. Aujourd’hui, alors que le monde fait face à des crises climatiques et écologiques, l’histoire de la Mer d’Aral sert d’avertissement : les conséquences à long terme de nos actions peuvent être catastrophiques.
En investissant dans des technologies durables et en encourageant la coopération internationale, il est possible d’éviter que de telles tragédies ne se reproduisent. La Mer d’Aral, bien que ravagée, reste un symbole de résilience et de l’espoir qu’avec des efforts concertés, la nature peut parfois se régénérer.