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Pourquoi l’Europe vient d’interdire cet ingrédient phare des manucures semi-permanentes ?

Depuis le 1er septembre, un produit chimique très répandu dans les vernis à ongles en gel ne peut plus être utilisé dans l’Union européenne. L’oxyde de triméthylbenzoyldiphénylphosphine, plus connu sous l’acronyme TPO, est au cœur d’une controverse qui mêle sécurité sanitaire, réglementation cosmétique et innovations industrielles. Pourquoi cet ingrédient, utilisé depuis des décennies, est-il soudainement pointé du doigt ? Et surtout, cette interdiction signifie-t-elle la fin des manucures gel telles que nous les connaissons ?

Un produit indispensable pour les vernis en gel

Le TPO est ce qu’on appelle un photo-initiateur. Sa mission : permettre au vernis semi-permanent de durcir rapidement sous une lampe à UV. Grâce à lui, les salons de manucure offrent des finitions impeccables et longue tenue, presque instantanément.

S’il est si répandu, c’est parce qu’il a fait ses preuves depuis longtemps, non seulement dans le domaine cosmétique mais aussi dans d’autres applications industrielles nécessitant une polymérisation rapide sous lumière ultraviolette. Pourtant, la Commission européenne a récemment reclassé le TPO parmi les substances dites CMR, c’est-à-dire potentiellement cancérigènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction. Résultat : son utilisation dans les produits cosmétiques est désormais interdite au sein de l’UE.

Une interdiction basée sur le principe de précaution

Ce qui frappe, c’est que les preuves directes de dangerosité pour l’être humain restent limitées. Les principales études utilisées pour justifier cette décision ont été menées sur des rats, à des doses bien plus importantes que celles rencontrées dans l’usage cosmétique. De plus, les fabricants soulignent qu’une fois le vernis durci, le TPO est chimiquement « piégé » dans la matière et ne peut plus s’en échapper.

Pourtant, l’industrie cosmétique n’a pas réussi à défendre l’usage de cet ingrédient auprès des autorités européennes. Faute de pouvoir prouver qu’il n’existait pas d’alternatives plus sûres, l’interdiction a été validée. Les experts parlent donc surtout d’une mesure de précaution plutôt que d’une réponse à un danger avéré.

L’impact réel sur les vernis à ongles

Loin de signer la fin des manucures semi-permanentes, cette décision devrait plutôt accélérer la recherche de formulations alternatives. De nombreuses marques ont déjà commencé à tester d’autres photo-initiateurs, jugés moins problématiques pour la santé.

D’après des spécialistes du secteur, l’absence de TPO ne devrait pas modifier la qualité des produits finaux. Le durcissement rapide, la brillance et la tenue longue durée pourraient être conservés grâce à de nouveaux ingrédients ou à des ajustements techniques.

Cette transition pourrait même encourager une meilleure transparence : les fabricants sont incités à étiqueter clairement les vernis sans TPO et à former les professionnels aux nouvelles formulations.

vernis ongles
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Deux visions réglementaires opposées

Ce qui intrigue, c’est que cette interdiction ne concerne que l’Union européenne. Aux États-Unis, où la réglementation cosmétique est souvent plus souple, le TPO reste autorisé. Une situation qui illustre les différences d’approche entre les deux continents : l’Europe applique le principe de précaution, tandis que les États-Unis tendent à attendre des preuves plus solides avant d’interdire une substance.

Pour les consommateurs, cela peut sembler déroutant : un produit jugé trop risqué pour l’UE continue d’être vendu ailleurs sans restriction. En réalité, cette divergence est fréquente dans le domaine cosmétique et alimentaire, où les standards de sécurité varient d’un pays à l’autre.

Vers des vernis plus sûrs et plus innovants

L’interdiction du TPO marque peut-être le début d’une nouvelle ère pour les vernis semi-permanents. Si elle impose des contraintes aux fabricants, elle ouvre aussi la porte à des formulations plus respectueuses de la santé et de l’environnement.

Les professionnels du secteur se veulent rassurants : les manucures gel ne disparaîtront pas, elles évolueront. Les salons et les consommateurs verront probablement apparaître de nouvelles gammes « sans TPO », avec des performances équivalentes, voire améliorées.

À long terme, cette décision pourrait même renforcer la confiance du public dans les produits cosmétiques européens, perçus comme plus strictement encadrés. Une manière, pour l’industrie, de transformer une contrainte réglementaire en opportunité d’innovation.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.