La récente analyse des Troyens de Neptune par de grands télescopes révèle que certains d’entre eux sont particulièrement rouges. Comment l’expliquer ? Ces nouveaux travaux pourraient aider les chercheurs à comprendre comment la composition du disque protoplanétaire du système solaire variait en fonction de la distance héliocentrique.
Comme la Terre, Neptune affiche une jolie couleur bleue quasi uniforme. Nous devons ces teintes à la présence de méthane dans son atmosphère (essentiellement composée d’hydrogène et d’hélium). Malgré le fait qu’il ne représente qu’une proportion relativement minime de l’atmosphère de Neptune, ce gaz absorbe les longueurs d’onde du rouge supérieures à 600 nm, réfléchissant de ce fait une teinte plus froide. D’autres espèces chimiques sont également probablement à l’origine de cette teinte azuréenne particulière, mais elles n’ont pas encore été identifiées.
Cela étant dit, les astéroïdes troyens qui fréquentent son environnement affichent des teintes complètement différentes, beaucoup plus proche du rouge, selon une récente étude publiée dans les Monthly Notices of the Royal Astronomical Society: Letters.
Pour rappel, les Troyens sont des groupes de petits corps célestes, tels que des astéroïdes ou des comètes qui partagent l’orbite des planètes. Ils sont situés aux points de Lagrange L4 et L5 de ces dernières, des zones de l’espace où la gravité de deux corps en orbite (ici Neptune et le Soleil) est équilibrée.
Ammoniac et méthanol
Nous savons depuis 2001 que Neptune « traîne » un peu moins d’une cinquantaine de ces objets. Cependant, avant cette recherche, les astronomes n’avaient étudié qu’une douzaine de ces astéroïdes. Le travail est compliqué, car ces objets ne reflètent que très peu de lumière. Pour opérer, les chercheurs doivent donc s’appuyer sur quelques-uns des plus grands observatoires du monde.
Pour cette nouvelle étude, des astronomes du Goddard Space Flight Center de la NASA ont analysé dix-huit autres Troyens neptuniens en synthétisant les données recueillies sur deux ans par l’Observatoire Palomar (Californie), les télescopes Gemini Nord et Sud (Hawaï et Chili), et le télescope Keck (Hawaï).
Ces examens ont révélé que la plupart de ces objets étaient nettement plus rouges que la plupart des astéroïdes, dont quatre extrêmement rouges.

Cette couleur suggère que ces objets sont riches en composés volatils tels que l’ammoniac et le méthanol. Les glaces faites de ces produits chimiques sont en effet très sensibles à la chaleur. Lorsqu’elles sont chauffées, ces substances peuvent alors subir des changements de phase (se transformer en gaz) et de couleur, en l’occurrence ici du rouge. Les astéroïdes plus proches du soleil n’affichent pas de telles teintes, car leur ammoniac et leur méthanol ont déjà « bouilli » depuis longtemps.
D’après les auteurs, il est probable que certains de ces Troyens se sont formés encore plus loin du Soleil durant les premières phases de formation du système solaire. Ces objets auraient ensuite migré vers l’intérieur avant d’être captés par Neptune. Les étudier pourrait donc permettre d’en savoir plus sur la composition du disque protoplanétaire entourant notre étoile il y a environ 4,6 milliards d’années.