Pourquoi les Néandertaliens avaient-ils des visages si différents des nôtres ?

Neandertal Homo Sapiens Homme relations
Neandertal et Homo Sapiens se sont longtemps "rapprochés". Photographie: Martin Meissner / AP

Comparé à l’homme moderne, l’homme de Néandertal avait de gros sourcils, un grand nez et un visage long et bombé. À l’aide de modèles informatiques 3D, une équipe internationale de scientifiques propose aujourd’hui plusieurs hypothèses pouvant expliquer ces différences physiques.

Les Néandertaliens et les humains modernes – ou Homo sapiens – ont divergé d’un ancêtre commun il y a entre 700 000 et 900 000 ans, chacun suivant ensuite sa propre voie évolutive. L’un de ces chemins fut d’ailleurs une impasse. Pendant que nos ancêtres continuaient à évoluer en Afrique, les Néandertaliens ont eux migré vers l’Eurasie, où ils vécurent pendant des centaines de milliers d’années au gré de plusieurs périodes glaciaires. Pendant ce temps, les Néandertaliens ont probablement acquis des caractéristiques physiques spécialisées qui les ont aidés à supporter ces conditions difficiles.

Nous savons que les Néandertaliens ne nous ressemblaient pas. Bien que techniquement humains et dotés de caractéristiques similaires aux nôtres, ils étaient plus petits, plus robustes et physiquement plus forts. Mais ils présentaient aussi des visages distinctifs avec des sourcils épais, des mentons faibles, un large front et un gros nez. Certaines de ces caractéristiques, comme le front et le menton, ont probablement été acquises chez leurs ancêtres. Mais les autres sont si particulières que les paléontologues estiment qu’ils ont dû évoluer pour une raison précise : pour supporter le froid, selon une nouvelle étude publiée le 4 avril dans  les Proceedings of the Royal Society B.

Crédits : Pixabay/Tpsdave

Avant la nouvelle étude, les scientifiques avaient développé une théorie pour expliquer le visage distinctif de Néandertal. Une hypothèse était que la structure faciale permettait aux néandertaliens de mordre très fort, utilisant leurs dents comme des outils – une sorte de troisième main – ce qui bien sûr mettrait beaucoup de force sur l’avant de la mâchoire. Cette théorie était prise très au sérieux, car les preuves fossiles montrent une forte usure des dents de Néandertal.

D’autre part, les grandes cavités nasales pourraient avoir permis une respiration dite « turbo », permettant aux Néandertaliens de prendre quelques bouffées d’air supplémentaires tout en effectuant un travail intense, ou en brûlant des quantités significatives de calories pour garder le corps chaud. En effet, il a été estimé que les Néandertaliens brûlaient en moyenne 3 360 à 4 480 calories par jour, ce qui est beaucoup comparé aux humains modernes qui ont tendance à brûler entre 2 000 et 3 000 calories par jour.

Pour tester ces hypothèses, une équipe internationale de chercheurs dirigée par Stephen Wroe, de l’Université de Nouvelle-Angleterre en Australie, a utilisé des scanners pour construire des modèles informatiques tridimensionnels de Néandertaliens, d’humains modernes, et d’un groupe d’êtres humains éteints, Homo heidelbergensis – un dernier ancêtre commun possible des deux. L’équipe a ajouté cet humain « archaïque » au mélange pour voir quels traits pouvaient avoir déjà existé chez les Néandertaliens et chez les humains modernes avant la divergence. Les chercheurs ont ensuite soumis les modèles à divers tests de stress et d’évaluations d’écoulement d’air.

Dans un premier temps, les modèles ont montré très peu de différences dans la capacité de mastication entre les trois espèces humaines testées. En fait, les humains modernes semblent même être mieux équipés pour mordre que les Néandertaliens. La première hypothèse est donc sérieusement mise en doute. Il a en revanche été démontré que les cavités nasales des Néandertaliens, et en particulier celles trouvées chez les humains modernes, conditionnent l’air plus efficacement que l’Homo heidelbergensis, ce qui suggère que les deux espèces ont évolué pour résister aux climats froids et secs. Cependant, les scientifiques ont constaté que les Néandertaliens pouvaient déplacer plus d’air à travers leurs voies nasales que les autres.

Ainsi, l’étude semble exclure la théorie selon laquelle la forme du visage de Néandertal était adaptée pour une morsure puissante. Les Néandertaliens se distinguaient par leur capacité à se déplacer et à conditionner de grands volumes d’air dans et hors de leurs voies nasales. Leur mode de vie, axée sur une recherche active de nourriture dans un climat froid et sec semblait l’exiger. Les voies nasales néandertaliennes étaient environ 29 % plus grandes que celles des humains modernes, capables de faire circuler l’air à un rythme plus élevé.

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