Importées en France en 1970 dans un but commercial, les écrevisses de Louisiane envahissent aujourd’hui les côtes atlantiques, des lacs aux rivières en passant par les champs et même les jardins particuliers. Que traduit cette prolifération inhabituelle ?
L’écrevisse de Louisiane, une espèce importée en France pour le commerce
L’écrevisse rouge de Louisiane (Procambarus clarkii) est une espèce de crustacés décapodes d’eau douce originaire du Mexique et du centre des États-Unis, très abondante en Louisiane, comme son nom l’indique. Ce type d’écrevisse est souvent considérée comme l’espèce de crustacé la plus répandue dans le monde.
Contrairement aux espèces d’écrevisses d’Europe appartenant à la famille des Astacidae, l’écrevisse de Louisiane est capable de faire face à des épisodes de sécheresse de plus de quatre mois, et de se développer dans des eaux stagnantes présentant une forte salinité, d’où sa résilience et son omniprésence.
En cas de conditions extrêmes (sécheresse, gel, faible concentration en oxygène), le décapode s’enfouit dans le sol, s’accoutumant ainsi aux habitats naturels les plus rudes. Le crustacé peut également élire domicile dans des zones souterraines, des prairies inondées ou encore des marais.
Morphologie
Facilement reconnaissable du fait de ses points rouges recouvrant l’ensemble de son corps (pinces comprises), l’écrevisse de Louisiane mesure entre 10 et 12 centimètres à l’âge adulte et peut atteindre 50 grammes dès ses trois premiers mois. D’une robe rouge vif tirant parfois sur le gris ou le brun foncé, le crustacé bénéficie d’une carapace robuste offrant une excellente protection contre les blessures et les prédateurs.
Une invasion d’écrevisses de Louisiane sur les côtes atlantiques françaises
La côte ouest française est, depuis quelques semaines, sujette à une véritable invasion d’écrevisses de Louisiane. C’est ainsi que de nombreux Nantais auraient retrouvé, comme le relate le Ouest France, des écrevisses dans leurs parkings, voire même leurs jardins. La Charente-Maritime n’aurait pas non plus été épargnée, relevant la présence de ces crustacés allogènes à travers les champs, pars, lacs et rivières du département.
Comment expliquer cette prolifération soudaine ?
Bien que la cause de cette invasion de crustacés ne soit pas encore confirmée, les experts abondent dans le sens des récentes intempéries (inondations et orages à répétition) qui ont frappé notre pays, ainsi que du réchauffement climatique. Un dérèglement météorologique qui pourrait en effet expliquer la montée des eaux de certains lacs français, et notamment celui de Grand-Lieu, en Loire-Atlantique, particulièrement sujet aux invasions d’écrevisses.
Quel impact sur la biodiversité ?
Importées par les restaurateurs français pour la qualité de leur chair très appréciée des amateurs de crustacés, les écrevisses de Louisiane peuvent présenter, en trop grand nombre, un réel impact sur la biodiversité locale. Parmi les principales préoccupations liées à leur prolifération :
- Concurrence avec les espèces indigènes : très compétitive, l’écrevisse de Louisiane peut supplanter les espèces locales comme l’écrevisse à pattes blanches (Austropotamobius pallipes) ou encore l’écrevisse des torrents (Austropotamobius torrentium). Cette concurrence pourrait alors provoquer, sur le long terme, l’extinction des populations indigènes.
- Déséquilibre des réseaux trophiques : les écrevisses de Louisiane se nourrissent d’une grande variété d’organismes (invertébrés, poissons, amphibiens, plantes aquatiques, etc.), régime alimentaire susceptible de déséquilibrer les réseaux trophiques locaux.
- Destruction de la végétation aquatique : l’écrevisse rouge a pour habitude de consommer une grande quantité de végétation aquatique, entraînant alors une perte d’habitat pour de nombreuses espèces de poissons et d’amphibiens, tout en augmentant l’érosion des berges.
- Modification des écosystèmes : en creusant des terriers dans les cours et plans d’eau, l’écrevisse de Louisiane pourrait provoquer un effondrement des berges, modifiant ainsi la structure des habitats aquatiques et des rivières.
- Transmission de maladies mortelles aux espèces indigènes : les écrevisses rouges comptent parmi les vecteurs du champignon Aphanomyces astaci, responsable de la peste des écrevisses. Cette maladie, mortelle pour les espèces indigènes européennes, a déjà provoqué des déclins importants au sein de leurs populations.
- Réduction des populations d’amphibiens et de poissons : les œufs et larves de poissons et d’amphibiens indigènes représentent des proies de choix pour les écrevisses de Louisiane, achevant alors de réduire leurs populations.
Ainsi, l’invasion des écrevisses de Louisiane sur les côtes atlantiques françaises est une problématique complexe aux multiples facettes. Importées à l’origine pour des raisons commerciales, ces crustacés ont démontré une incroyable capacité d’adaptation aux conditions environnementales variées. Leur prolifération, accentuée par des phénomènes météorologiques extrêmes et le réchauffement climatique, pose aujourd’hui des défis significatifs pour la biodiversité locale. La concurrence avec les espèces indigènes, la destruction de la végétation aquatique, et la transmission de maladies sont autant de conséquences préoccupantes qui nécessitent une attention particulière. Il est crucial de développer des stratégies de gestion et de contrôle pour limiter l’impact de ces envahisseurs sur les écosystèmes français et préserver la biodiversité native.