Vous l’avez sans doute déjà remarqué (ou pas) mais les bébés clignent rarement des yeux. Si les adultes le font en moyenne 15 fois par minute, les nouveau-nés et les bébés clignent des yeux beaucoup moins souvent – seulement deux ou trois fois chaque minute. Pourquoi ?
Le clignement des yeux est régulé par la dopamine du cerveau : c’est l’un des neurotransmetteurs qui permet aux cellules du cerveau de communiquer. C’est pourquoi les personnes atteintes de schizophrénie, qui présentent une trop grande quantité de dopamine, clignotent plus fréquemment des yeux. Inversement avec la maladie de Parkinson – et l’absence de neurones producteurs de dopamine – où le phénomène est nettement diminué. Ainsi, étudier les clignements d’œil chez les bébés pourrait nous aider à mieux comprendre comment fonctionne cet important neurotransmetteur chez les plus petits. La dopamine sous-tend également un ensemble diversifié d’autres fonctions, du contrôle des mouvements aux niveaux hormonaux, en passant par l’apprentissage et la motivation.
Pourquoi clignons-nous des yeux ? Le clignement spontané est différent du réflexif, qui sert à protéger l’œil contre un objet externe. Même chez l’adulte, le but principal du clignement spontané est un peu mystérieux. On pense généralement qu’il permet de répandre les larmes sur la surface de l’œil pour le maintenir lubrifié. Mais nous clignons des yeux plus souvent que nécessaire pour les maintenir humides, ainsi cette opération doit avoir d’autres fonctions.
En 1928, deux scientifiques écossais, Erik Ponder et WP Kennedy, menèrent leur petite enquête. Ils remarquèrent que le taux de clignement était le même dans les pièces sombres et bien éclairées. Les aveugles clignaient aussi souvent que les voyants. Et l’anesthésie de la surface de l’œil ne changeait pas le taux de clignement. Le taux était également indépendant de l’humidité et du dessèchement des yeux. Lorsque les chercheurs ont emmené leurs sujets dans les maisons humides du département de botanique de leur université, ils ont constaté que les taux de clignement n’étaient pas différents de ceux observés par les scientifiques dans les saunas secs de différents bains turcs.
Par ailleurs, le clignement des yeux augmentait parallèlement à la « tension mentale » des participants à l’étude. Par exemple, les participants à l’étude clignaient davantage lorsqu’ils étaient excités ou en colère. Tout cela a finalement conduit Ponder et Kennedy à suggérer que le clignement spontané n’est pas simplement régi par la condition des yeux. Ils proposèrent alors qu’une des fonctions du clignement des yeux est de soulager la tension.
Une autre hypothèse, plus moderne, suggère que le cerveau prend un « moment de repos » lorsque nous clignons des yeux. Une autre étude, publiée l’année dernière dans la revue Current Biology, propose que le clignement des yeux focalise notre regard. « Nos muscles oculaires sont assez lents et imprécis… nos résultats suggèrent que le cerveau mesure la différence entre ce que nous voyons avant et après un clignement et commande les muscles oculaires pour effectuer les corrections nécessaires », explique le chercheur Gerrit Maus, professeur adjoint de psychologie à l’Université technologique de Nanyang à Singapour.
Mais alors, qu’en est-il des bébés ? L’une des fonctions du clignement est de maintenir les yeux lubrifiés. Ainsi, les chercheurs ont proposé que les bébés clignent moins parce que leurs yeux n’ont pas besoin d’être lubrifiés autant que nous. Une autre idée suggère que les bébés, avec leur toute nouvelle vision, doivent travailler davantage pour obtenir toute l’information visuelle dont ils ont besoin – lorsque vous êtes concentré, vous clignez moins des yeux. Concernant la dopamine, certains chercheurs ont suggéré que le taux de clignement réduit chez les nouveau-nés est dû à un système dopaminergique sous-développé.
Aucune de ces hypothèses ne se distingue aujourd’hui : la rareté des clignements d’yeux des nouveau-nés résulte probablement de tous ces facteurs à la fois. Mais quelle qu’en soit la cause, rien ne sert de s’inquiéter si votre enfant n’abuse pas des effets de cils. C’est visiblement tout à fait normal.
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