Pourquoi le courant-jet est-il situé à haute altitude ?

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Courant-jet sur vue hémisphérique le 19 août 2019. Crédits : https://earth.nullschool.net.

Structure emblématique de l’écoulement atmosphérique, le courant-jet fait souvent parler de lui de par ses liens avec les anomalies météorologiques du moment. Une particularité notable du jet est qu’il culmine loin de la surface, vers une dizaine de kilomètres d’altitude. Une caractéristique fondamentale qui mérite d’être expliquée.

Le transport aérien est très familier du courant-jet, ce tube de vents horizontaux très rapides dont le cœur est confiné à la haute troposphère – entre 8 et 15 kilomètres. La vitesse moyenne de l’air dans le jet est de l’ordre de la centaine de kilomètres par heure. Aussi, selon le sens des trajets, les avions l’empruntent ou l’évitent pour gagner du temps et économiser du kérosène.

Comme cela vient d’être dit, cette structure a la bonne idée de se caler à haute altitude. De sorte que les puissants vents qui s’étendent sur plusieurs milliers de kilomètres de long ne ravagent pas constamment la surface terrestre. Dans le cas contraire, il ne fait aucun doute que cette dernière présenterait un tout autre visage.

Courant-jet : une question de pression et de rotation

Ainsi, notre individu tubulaire se contente de nous surplomber et ne nous communique sa puissance qu’occasionnellement. En particulier, lorsqu’il prend part à la formation d’une tempête. Ce fut le cas fin 1999 avec Lothar et Martin. Ou plus récemment en 2009 et 2010 avec Klaus et Xynthia.

Mais pourquoi est-il ancré en haute troposphère ? En fait, la réponse est assez simple – ce qui est loin d’être toujours le cas en météorologie dynamique.

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La présence du courant-jet est parfois matérialisée par des nuages d’altitude de type cirrus qui viennent le coiffer, comme ici à l’est du Canada en mai 1991. Crédits : Wikimedia Commons.

Rappelons d’abord quelques bases. Le courant-jet trouve son origine dans la différence de température entre l’équateur et le pôle. Le réchauffement des tropiques fait gonfler l’atmosphère tandis que le refroidissement près du pôle provoque sa contraction. De fait, une différence de pression se crée entre les deux zones. En réponse, l’air se déplace. Il accélère des hautes vers les basses pressions – i.e. du sud vers le nord. Toutefois, il est dévié vers l’est par la rotation de la Terre.

La déviation finit par devenir assez importante de sorte que les parcelles d’air circulent à grande vitesse quasi horizontalement – parallèlement aux isobares. La latitude à laquelle cela se produit se situe généralement entre 30° et 50°. Notons toutefois qu’il s’agit là d’une explication très schématique qui cache une grande complexité.

La variation du gradient de pression avec l’altitude

Si nous venons de comprendre l’origine de notre tube de vents forts, nous n’avons toujours pas expliqué pourquoi celui-ci culmine en haute troposphère. La réponse réside dans le fait suivant. L’intensité du gradient de pression se renforce avec l’altitude. En effet, lorsque l’on rapproche deux masses d’air bien différenciées, l’inclinaison des surfaces isobares s’accentue avec l’altitude. Résultat : le vent souffle de plus en plus fort à mesure que l’on s’élève – voir le schéma suivant.

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Variation des niveaux de pression (en kilo-pascals) sur la verticale dans une colonne d’air froid (bleu) et chaud (rouge). Le gradient de pression horizontal augmente avec l’altitude, et donc le vent aussi (flèches vertes à droite). Les lettres L et H désignent respectivement basses et hautes pressions. Crédits : Roland Stull.

L’accentuation de la pente des isobares avec l’altitude peut être comprise simplement. Comme le rappelle la figure ci-dessus, la pression diminue plus vite avec l’altitude dans l’air froid que dans l’air chaud. Ainsi, entre deux niveaux de pression verticaux – par exemple entre 850 hpa et 700 hpa – la distance sera plus grande dans l’air chaud que dans l’air froid. En cumulant les épaisseurs un peu plus fortes au sud et un peu plus faibles au nord, on finit mathématiquement par avoir une pente plus inclinée avec l’altitude.

Dans l’atmosphère, cet effet est renforcé par la compressibilité de l’air, qui fait que l’augmentation de la pente des isobares à mesure qu’on s’élève n’est pas linéaire mais logarithmique. Finalement, au-dessus du jet, on pénètre dans la stratosphère où le contraste thermique s’inverse. Le vent devient donc de moins en moins puissant. Voilà les raisons pour lesquelles le courant-jet présente une intensité maximale juste sous la tropopause.

Source : Meteorology for Scientists and Engineers, Roland Stull.

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