Certaines fusées, comme la SLS ou les anciens boosters de navettes spatiales américaines, s’affichent avec une teinte orange, quand d’autres sont peintes en blanc. Comment expliquer ces différences ? On fait le point.
Après de multiples retards liés tantôt à la météo, tantôt à des problèmes techniques, la SLS de la NASA s’était finalement envolée dans le ciel de Cap Canaveral en novembre dernier, direction la Lune. Pour s’extirper de l’attraction terrestre, l’étage central du lanceur et ses deux propulseurs à fusée solide latéraux avaient généré près de 4 000 tonnes de poussée. Dès lors, la SLS et sa couleur orangée est devenue la fusée opérationnelle la plus puissante à avoir jamais volé.
Au cours de ce lancement, mais aussi durant les semaines précédentes, beaucoup se sont justement interrogés sur la teinte orange caractéristique de son premier étage. Cette coloration, pas si inhabituelle, n’est pas une décision artistique, mais bien pratique, prise par les ingénieurs impliqués.
Une question de masse
Pour permettre la poussée, l’énorme réservoir de la SLS est rempli de deux carburants : de l’oxygène et de l’hydrogène liquides. Parce qu’il comporte ces deux types de carburants, ce réservoir a besoin d’être isolé avec de la mousse pulvérisée. Cette teinte orangée n’est autre que la couleur de cet isolant.
La SLS n’est pas la seule fusée concernée. Les réservoirs de la Delta IV Heavy, le lanceur lourd de United Launch Alliance (ULA), sont aussi oranges, tout comme l’étaient les réservoirs de carburant externes permettant de soulever les anciennes navettes spatiales américaines.
Notez que les deux premiers vols de la navette, STS-1 et STS-2, en 1981, proposaient des réservoirs peints en blanc essentiellement pour protéger les navettes des rayons ultraviolets lorsqu’elles patientaient sur la rampe de lancement. Les ingénieurs ont finalement déterminé que cette protection n’était pas nécessaire, libérant ainsi 272 kg à la fusée.
Voici donc la raison pour laquelle on ne rajoute plus de peinture sur ce type de réservoir : parce qu’une peinture ajoute de la masse. Et plus il y a de masse, plus il y a besoin de carburant pour la soulever. Si ce poids supplémentaire n’est pas vraiment nécessaire, alors il est préférable de l’enlever.

Le blanc reste un excellent compromis
Mais alors pourquoi les autres fusées sont-elles encore majoritairement peintes en blanc ? Nous pourrions également nous poser la même question pour les avions : pourquoi ne pas simplement conserver le chrome du métal sous-jacent pour ces véhicules au lieu de les peindre ? Il s’avère que l’élimination de cette couche de peinture n’est pas un plan d’économie à long terme.
La principale raison à cela est que, en thermodynamique, le blanc reste la couleur qui absorbe le moins la lumière, donc la chaleur des rayons du soleil. Cela permet de minimiser le chauffage de la cabine et des réservoirs. Les fusées restent également à l’extérieur parfois pendant des jours avant leur lancement, de sorte que la peinture les protège de la corrosion des éléments. Enfin, la peinture blanche permet de repérer les anomalies (bosses, fuites, etc) plus facilement.
Pour ces raisons, et pour certaines fusées, il est donc préférable d’ajouter un peu de masse au lanceur avec de la peinture pour s’assurer qu’elles puissent voler correctement.
Cela dit, cette peinture n’est pas forcément un « luxe » que peuvent se permettre de payer les entreprises de petits lanceurs. La fusée Electron de Rocket Lab en est un exemple. Fabriquée en fibres de carbone, cette fusée est noire. Ce n’est pas sans conséquence. Juste avant le lancement, la différence entre la température extérieure et les -253°C de son hydrogène liquide (-183°C pour son oxygène liquide) fait en effet que de la glace se forme autour des réservoirs et blanchit légèrement le lanceur. Néanmoins, cette glace a tendance à se décrocher au lancement.