Pourquoi des chercheurs ont-ils formé une araignée à sauter sur commande ?

Crédits : Capture YouTube / University of Manchester Media Relations

Une équipe de chercheurs de l’Université de Manchester (Royaume-Uni) a récemment formé une araignée à sauter sur commande, dans l’espoir qu’elle inspire une nouvelle génération de robots calqués sur la nature.

Beaucoup d’araignées ont la capacité de sauter, comme l’araignée sauteuse royale (Phidippus regius) utilisée pour cette étude – par ailleurs publiée dans Scientific Reports. La technique de l’araignée sauteuse royale est impeccable et qui plus est, l’arachnide est également capable de planer sur une distance jusqu’à six fois la longueur de son corps. D’environ 15 millimètres de longueur, ces petites araignées peuvent donc sauter sur au moins 60 millimètres de distance. En comparaison, les humains peuvent à peine réussir à sauter 1,5 fois la longueur de leur corps.

Avec son excellente vision et son style de chasse très précis, l’araignée sauteuse royale se présentait ainsi comme la recrue idéale pour un nouveau projet de recherche sur les robots de « micro-jumping », mené à l’Université de Manchester. Enseigner aux araignées à sauter, cependant, n’était pas une tâche facile. L’une d’elles s’est néanmoins « prise au jeu » : Elle s’appelle Kim. Les chercheurs ont donc filmé les sauts de Kim pour découvrir les secrets de ses sauts incroyables. Ils se sont particulièrement intéressés aux pattes de l’araignée.

Les images ont révélé que Kim avait plusieurs techniques de saut différentes. À courte portée (environ deux longueurs de corps), Kim préfère une trajectoire plus rapide et plus basse pour plus de vitesse et de précision. Mais pour des sauts plus longs (environ six longueurs de corps), elle a tendance à utiliser un saut plus économe en énergie. Alors que Kim peut ajuster l’angle de son saut pour sauter plus haut ou plus bas, les chercheurs ont également noté qu’elle était plus confiante en sautant plus bas.

« Elle va toujours sauter selon un angle optimal, ce qui signifie qu’elle peut comprendre le défi auquel elle est confrontée », note Mostafa Nabawy, un des auteurs de l’étude. Les chercheurs ont également remarqué que Kim attachait toujours une « ligne de sécurité en soie » à la plate-forme avant de décoller. Cela pourrait être un moyen pour l’araignée de rester stabilisée pendant qu’elle saute.

Après avoir réalisé des tomodensitogrammes en 3D, les chercheurs ont ensuite pu construire un modèle révélant la structure du corps de l’araignée. L’analyse des vidéos en combinaison avec les modèles a permis aux chercheurs de mieux comprendre les forces en jeu à chaque fois que l’araignée se met à bondir.

Les biologistes savent que les araignées utilisent la pression hydraulique dans leurs jambes pour étendre leurs membres, mais il reste à débattre si les araignées peuvent également utiliser la pression hydraulique pour améliorer ou même remplacer la puissance musculaire. Pour cette espèce particulière cependant, la puissance musculaire était suffisante pour le saut. « Ainsi, le rôle du mouvement hydraulique chez les araignées reste une question ouverte », note le chercheur.

Mais cette étude n’a pas seulement conduit à une compréhension plus profonde de l’anatomie de l’araignée sauteuse royale. Elle a également des implications importantes pour la construction de minuscules robots « sauteurs », le but étant de résoudre certaines des contraintes qui maintiennent actuellement de nombreux robots fermement ancrés au sol. Les sauts de Kim offrent ici quelques indices sur la façon de faire de ce rêve une réalité.

« La force exercée sur les jambes au décollage peut atteindre cinq fois le poids de l’araignée », peut-on lire. « C’est incroyable, et si nous pouvons comprendre ces biomécanismes, nous pouvons les appliquer à d’autres domaines de recherche ». Une fois l’étude terminée, les chercheurs ont ensuite construit un mécanisme de saut simple qui avait à peu près la même taille que l’araignée. Le projet a finalement échoué. : l’échelle avec laquelle les chercheurs essayaient de travailler était trop petite. « L’électronique de puissance et de contrôle ne peut pas encore rivaliser avec la nature à cette échelle », notent les chercheurs.

Pour les « robots sauteurs », il faudra donc encore patienter. Après tout, la nature a pris le temps - quelques millions d’années – pour y arriver.

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