Pourquoi cultiver des « mini cerveaux » en laboratoire ?

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Crédits : Pasca Lab, Université de Stanford

Le cerveau humain est l’une des structures les plus complexes de la nature et nous sommes loin d’en avoir fait le tour. Pour nous aider à mieux le comprendre, des chercheurs en neurosciences utilisent des organoïdes cérébraux (appelés « mini-cerveaux » dans les médias) pour leurs travaux. Ces structures, qui servent de modèles miniatures et simplifiés de cerveaux humains grandeur nature, peuvent être utiles dans de nombreux domaines. Faisons le point.

Comment fabrique-t-on des « mini-cerveaux » ?

Les chercheurs cultivent des organoïdes cérébraux à partir de cellules souches. Pour rappel, ces dernières sont un type de cellule immature capable de se transformer en n’importe quel type de cellule. Il peut arriver que ces cellules soient prélevées directement sur des tissus embryonnaires humains, mais c’est assez rare. En général, on prélève des cellules de la peau sur des donneurs. Celles-ci sont ensuite exposées à des produits chimiques dans le but de les ramener à leur état initial. Les cellules résultantes sont appelées cellules souches pluripotentes induites.

Pour donner naissance à des mini-cerveaux (ou organoïdes cérébraux), les chercheurs intègrent ces cellules souches dans une matrice riche en protéines. Cette substance permet de soutenir leur développement. Pour les amener à former tel ou tel tissu, on introduit différentes molécules et autres facteurs de croissance spécifiques à des moments bien précis.

Les organoïdes cérébraux deviennent plus complexes à mesure qu’ils se développent. Au fil du temps, ils en viennent à contenir plusieurs types de cellules présentes dans le cerveau humain et montrent une organisation spatiale comparable à des régions isolées du cerveau. Encore une fois, bien que parfois appelées « mini-cerveaux », ces structures cérébrales organoïdes ne sont pas vraiment des cerveaux humains miniaturisés. Imaginez simplement des boules de tissu à peu près sphériques imitant certaines caractéristiques du cerveau humain.

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Des cellules souches à l’organoïde. Crédits : Betty Lafon/Sciences&Avenir

Pourquoi cultiver des mini-cerveaux ?

Les mini-cerveaux peuvent être développés dans le but de servir une variété d’applications, notamment pour étudier le développement humain précoce. Par exemple, une équipe allemande a fait pousser plusieurs organoïdes cérébraux capables de développer des coupes optiques, des structures de vision trouvées dans l’œil où le nerf optique rencontre la rétine. À terme, ces organoïdes pourraient aider à étudier les interactions cerveau-œil pendant le développement de l’embryon humain. Ils pourraient également aider à modéliser les troubles rétiniens congénitaux ou encore à proposer de nouvelles approches médicamenteuses.

Récemment, une autre équipe a développé des mini cerveaux capables de générer des ondes cérébrales similaires à celles observées chez les prématurés, tandis qu’une autre s’est appuyée dessus pour aider à expliquer comment l’acide valproïque (un médicament courant utilisé pour traiter l’épilepsie et les troubles bipolaires) pouvait entraver la division cellulaire dans l’utérus et provoquer des malformations congénitales en cas d’utilisation pendant la grossesse.

Les mini-cerveaux peuvent également être utilisés pour modéliser les maux qui affectent les adultes, y compris les maladies infectieuses qui affectent le cerveau et les troubles neurodégénératifs comme la maladie d’Alzheimer. De tels modèles peuvent alors compléter (et peut-être un jour remplacer) les recherches menées dans des boîtes de Pétri ou sur des modèles animaux.

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Un organoïde avec un ensemble de structures ressemblant à des yeux. Crédits : Elke Gabriel/ CC BY-NC-SA

Au-delà de la médecine

Les mini-cerveaux peuvent également être utilisés pour étudier l’évolution humaine. Récemment, des scientifiques ont par exemple utilisé des organoïdes pour étudier en quoi le cerveau humain diffère de celui des singes et des Néandertaliens.

Certains souhaitent aussi utiliser ces organoïdes pour alimenter des systèmes informatiques. Récemment, un mini-cerveau synthétique composé de neurones humains aurait d’ailleurs appris à jouer au jeu vidéo « Pong » après avoir été connecté à un réseau d’électrodes contrôlé par ordinateur. À terme, ce type de recherche pourrait ouvrir la voie à la création d’ordinateurs s’appuyant sur des cellules cérébrales pour effectuer certaines tâches que les ordinateurs d’aujourd’hui ne pourraient pas espérer accomplir.

Enfin, d’un point de vue éthique, il est extrêmement peu probable que dans un avenir prévisible, les organoïdes cérébraux proposent des capacités qui, compte tenu de la compréhension actuelle, soient reconnues comme la conscience, de l’émotion ou même de la douleur, selon un récent rapport des Académies nationales des sciences, de l’ingénierie et de la médecine. Cependant, il sera peut-être nécessaire de garder un oeil sur ces questions à mesure que les scientifiques développent des organoïdes plus complexes.