Des équipes de scientifiques du CERN vont bientôt transporter de l’antimatière sur plusieurs centaines de kilomètres. Toutefois, les chercheurs assurent que manœuvrer ces échantillons de la sorte n’est pas vraiment dangereux.
Deux projets distincts avec de l’antimatière
Prédite en 1931, l’antimatière est une forme miroir de la matière dont la charge est négative. Ainsi, les protons (positifs) ont leurs antiprotons (négatifs) et les électrons (négatifs) ont leurs positrons (positifs). Dans le cas où de grandes quantités de matière et de l’antimatière se rencontrent, elles s’annihilent en libérant une énergie phénoménale. Du côté des applications, l’antimatière pourrait par exemple servir de détonateur à une réaction de fusion thermonucléaire sans réaction de fission, et donc sans pollution.
Très difficile à créer et très onéreuse, l’antimatière se cantonne habituellement aux laboratoires. Cependant, des scientifiques du CERN en Suisse vont bientôt tenter de déplacer de l’antimatière dans un van, comme l’explique une publication dans la revue Nature le 26 novembre 2024. Il s’avère que le CERN est le seul endroit au monde où l’on fabrique des antiparticules suffisamment lentes pour être capturées, stockées et possiblement transportées sans s’annihiler.
Le CERN a mobilisé deux équipes, la première du projet BASE-STEP et la seconde, de l’expérience PUMA. Dans le cadre de la première initiative, l’objectif était de déplacer des antiprotons vers un environnement entièrement dépourvu de bruit expérimental afin de les étudier. Pour ce qui est du second projet, d’autres antiprotons seront envoyés dans un autre endroit afin de sonder les structures nucléaires d’autres matériaux.

Un transport risqué, mais pas dangereux
L’antimatière fera dans les deux cas l’objet d’un transport en van jusqu’à 700 km de distance, notamment à l’Université Heinrich-Heine de Düsseldorf, dans l’ouest de l’Allemagne. Mais qu’en est-il de ce convoi très spécial ? Dans un premier temps, le but sera de suspendre et refroidir l’antimatière dans un genre de bouteilles magnétiques incluant des aimants supraconducteurs afin de maintenir les antiprotons en place, ces derniers devant flotter sans toucher les parois. Ensuite, un générateur d’énergie mobile aura pour mission de maintenir les antiprotons à une température de −269 ºC. Évidemment, le système doit résister aux secousses et pouvoir permettre l’extraction de l’antimatière pour réaliser les expériences.
Sans surprise, la question de la dangerosité se pose. Néanmoins, les chercheurs n’ont pas mentionné de risques d’explosion. En effet, si tous les antiprotons du chargement s’annihilent au même moment, l’énergie libérée devrait être équivalente à celle de la chute d’un simple crayon sur le sol. En réalité, les principaux risques concernent surtout la possibilité que l’antimatière devienne inexploitable.