Pourquoi ces étonnants nuages sont-ils de plus en plus fréquemment observés ?

Crédits : NASA/flickr.

Depuis plusieurs décennies, d’étranges nuages à l’apparence de voile cosmique sont de plus en plus fréquemment observés aux moyennes et hautes latitudes durant la saison estivale. On les appelle communément des nuages noctulescents ou noctiluques. Une récente étude lève le voile sur ce mystère…

De nouveaux travaux publiés dans la revue Geophysical Research Letters montrent que l’augmentation de la vapeur d’eau dans la haute atmosphère – causée par les activités humaines – accentue la luminosité des nuages noctulescents, ce qui les rend plus visibles. Ces derniers, aussi appelés nuages polaires mésosphériques, sont les nuages les plus élevés que l’on puisse observer dans l’atmosphère terrestre. Ils se forment à des altitudes de 80 à 85 kilomètres, dans la mésosphère polaire d’été*, la partie la plus froide de l’enveloppe gazeuse de notre planète. La très faible quantité de vapeur d’eau présente à ces altitudes (du fait des températures excessivement basses) se cristallise alors autour de minuscules grains de poussière d’origine météoritique, ce qui donne naissance à cette sorte de voile onirique. Ils sont essentiellement aperçus aux moyennes et hautes latitudes en été, lorsque le soleil est sous l’horizon et que ses rayons éclairent les nuages par-dessous.

Les premières observations recensées de ces objets météorologiques datent a priori de 1885, après l’éruption du Krakatoa qui a injecté d’importantes quantités de poussières et de vapeur d’eau dans la haute atmosphère. Depuis cette époque, ils sont de plus en plus fréquemment observés, à tel point que les scientifiques se sont demandé s’il n’y avait pas un lien entre le changement climatique et l’occurrence des nuages noctulescents. Peut-être que leur évolution est un indicateur visuel des changements qui affectent notre planète depuis plus d’un siècle ? Dans la nouvelle étude parue ce 2 juillet, les chercheurs ont étudié cette question en utilisant des simulations numériques accompagnées d’observations satellitaires, et ont produit des résultats surprenants. Sur la longue période simulée (1871-2008), ces nuages sont en effet devenus de plus en plus visibles. Ainsi : «Ils existaient vraisemblablement des siècles plus tôt, mais les chances de les observer à l’œil nu étaient extrêmement petites avant le vingtième siècle, alors que l’on peut désormais en voir plusieurs par saison».

Une explication proposée au cours de ces dernières décennies était que le changement climatique pouvait impacter la formation de ces nuages via le refroidissement de la moyenne atmosphère. En effet, l’augmentation anthropique des gaz à effet de serre conduit à un piégeage plus efficace de la chaleur dans la couche atmosphérique la plus basse (la troposphère). Cela induit un refroidissement des couches plus élevées telles que la stratosphère ou la mésosphère. Si en théorie l’hypothèse était intéressante, les chercheurs ont montré que la baisse de la température conduisait au contraire à la formation de cristaux de glace plus nombreux et plus petits, ce qui les rend finalement moins visibles. De plus, le refroidissement est surtout présent en moyenne et basse mésosphère mais n’est pas très marqué, voire absent, à l’altitude où se forment les cristaux (près de la mésopause). L’étude montre par contre qu’une augmentation de la quantité de vapeur d’eau à ces altitudes rend les cristaux de glace plus gros, et donc les nuages noctulescents plus visibles car plus lumineux.

D’où provient cette vapeur d’eau ? Il y a deux sources majeures : le transport naturel depuis la surface vers la haute atmosphère par la circulation atmosphérique et la destruction photochimique du méthane à haute altitude par le rayonnement solaire. Or depuis 1880, la concentration atmosphérique de méthane a fortement augmenté suite aux émissions anthropiques. Par conséquent, cela a conduit à une hausse de la teneur en vapeur d’eau de l’atmosphère moyenne d’environ 40 % sur la période étudiée. Or, les nuages noctiluques sont très sensibles à ces changements. Selon l’étude, cela a plus que doublé la quantité de glace produite entre 1871 et 2008. En conséquence, ces manifestations atmosphériques sont désormais plus visibles qu’il y’a un siècle, permettant aux habitants des moyennes et hautes latitudes d’en observer plusieurs fois chaque été. « Les nuages mésosphériques sont effectivement un indicateur à long terme du changement climatique […] », conclut l’étude.

* C’est en effet en été que cette partie de l’atmosphère est la plus froide – la température passe  facilement sous les -100 à -130 °C -, ce qui permet d’atteindre le point de saturation.

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