Les cannabinoïdes, aujourd’hui consommés par de nombreuses personnes pour des raisons diverses, ont longtemps intrigué les scientifiques du fait de leur présence dans les plantes de chanvre. Alors que la recherche contemporaine s’est principalement concentrée sur les effets médicinaux et intoxicants de ces composés, une question fondamentale persistait : pourquoi les cannabinoïdes ont-ils évolué en premier lieu dans ces plantes ?
Une défense naturelle contre les insectes
Au cours de ces dernières décennies, les chercheurs ont émis l’hypothèse que les cannabinoïdes pourraient protéger les plantes contre les rayons ultraviolets, les agents pathogènes, ou encore les herbivores. Dans le cadre de travaux récents, une équipe a mis en oeuvre plusieurs expériences pour évaluer la corrélation entre la présence de cannabinoïdes dans les feuilles de chanvre et les dommages causés par les larves d’insectes.
Pour ce faire, les scientifiques ont analysé les dommages causés par les larves d’insectes sur les feuilles de chanvre en fonction des concentrations de cannabinoïdes. Ils ont alors constaté une corrélation inverse significative : les feuilles avec des niveaux plus élevés de cannabinoïdes présentaient moins de dommages causés par les insectes.
Pour confirmer ces observations, les chercheurs ont isolé des cannabinoïdes spécifiques, tels que le CBDA et le CBGA, et les ont appliqués sur des régimes artificiels destinés aux larves d’insectes. Les résultats ont montré que les larves exposées à des concentrations plus élevées de cannabinoïdes avaient une croissance réduite et des taux de survie inférieurs.
Ces expériences ont ainsi permis de démontrer de manière empirique que les feuilles de chanvre riches en cannabinoïdes sont moins attractives pour les insectes, suggérant ainsi que ces composés agissent comme un mécanisme de défense naturel.

Vers le développement de pesticides ?
Ces résultats, en plus de jeter les bases d’une compréhension plus approfondie du rôle des cannabinoïdes dans la protection des plantes de chanvre contre les herbivores, ouvrent des perspectives intéressantes pour le développement potentiel de pesticides à partir d’extraits de cannabinoïdes, bien que ces applications soient restreintes aux plantes non comestibles en raison des propriétés pharmacologiques des composés comprenant le CBDA, le THCA et leur précurseur CBGA. Ces derniers sont naturellement présents dans les plantes de chanvre et se transforment sous l’effet de la chaleur en CBD, THC et CBG qui sont plus connus. Or, ces composés ont des effets pharmacologiques sur le corps humain. Leur utilisation comme pesticides sur des plantes comestibles pourrait donc entraîner des résidus indésirables sur les produits alimentaires.
Des recherches supplémentaires viseront à déterminer l’efficacité des cannabinoïdes contre d’autres parasites et si d’autres espèces végétales produisant des cannabinoïdes peuvent également en bénéficier. Si tel est le cas, cela illustrera un exemple d’évolution convergente, c’est-à-dire une même adaptation qui apparaît indépendamment chez différentes espèces à des moments et des endroits différents.
Les détails de l’étude sont publiés dans la revue Horticulture Research.