homo erectus carrières éléphants
Crédits : Dana Ackerfeld

Pourquoi ces anciennes carrières d’Israël ont-elles été privilégiées par nos ancêtres ?

Une étude archéologique récente menée dans la région de la Haute Galilée, en Israël, révèle des découvertes intrigantes sur les activités des premiers humains il y a environ deux millions d’années. Selon cette recherche, les ancêtres de l’Homme moderne, notamment Homo erectus, fabriquaient des outils de chasse dans des carrières situées le long des routes de migration des éléphants.

Les dynamiques sociales préhistoriques

Les vastes carrières de pierre paléolithiques en Galilée, en Israël, ont longtemps intrigué les archéologues. Pourquoi des groupes d’anciens humains sont-ils revenus à ces mêmes endroits à maintes reprises sur plusieurs générations pour se procurer de la pierre et fabriquer des outils, alors que la pierre était disponible ailleurs ? Cette question, au cœur de nombreuses recherches archéologiques, ouvre une fenêtre fascinante sur les dynamiques sociales de l’époque.

Plusieurs hypothèses ont émergé pour expliquer ce phénomène. La qualité de la pierre peut notamment varier considérablement d’un site à l’autre. Les carrières privilégiées pouvaient fournir des types spécifiques de pierre, mieux adaptés à la fabrication d’outils ou présentant des propriétés uniques, telles que la résistance ou la facilité de taille. Ainsi, ces sites étaient choisis pour leur utilité pratique et leur efficacité dans la production d’outils.

Cette nouvelle étude évoque une autre hypothèse. Les chercheurs ont en effet récemment découvert que ces sites étaient stratégiquement situés à proximité de sources d’eau utilisées par les troupeaux d’éléphants en migration. Ces animaux, qui consomment en moyenne 400 litres d’eau par jour, suivaient en effet des trajets de migration réguliers, ce qui les rendait prévisibles pour les chasseurs humains.

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Le crâne et une reconstruction faciale d’Homo erectus. Crédits : Science Picture C

Plusieurs éléments de preuves

Les chercheurs sont parvenus à cette conclusion grâce à une méthodologie pluridisciplinaire et à des preuves convergentes. Tout d’abord, l’équipe a examiné attentivement la topographie de la région environnante des carrières paléolithiques. Ils ont cartographié les cours d’eau, les lacs, les rivières et d’autres sources d’eau potentielle dans les environs des sites de carrières. Elle a ensuite recueilli des données sur les migrations des éléphants dans la région à différentes époques en se basant sur des études antérieures, des modèles de distribution des espèces et des données géologiques. Les chercheurs ont alors identifié les principaux corridors de migration empruntés par les troupeaux d’éléphants à travers le paysage.

En croisant les données géographiques des sites de carrières avec les corridors de migration des éléphants, les chercheurs ont finalement observé une corrélation spatiale significative. Les carrières étaient ainsi situées à proximité immédiate ou le long des trajets empruntés par les éléphants en migration.

Les chercheurs ont ensuite examiné les artefacts et les dépôts archéologiques des sites de carrières pour rechercher des indices de la présence d’éléphants ou de l’exploitation de ressources liées à ces animaux. Des outils de chasse ou des traces d’activités de boucherie associées à des éléphants ont alors été identifiés, renforçant l’hypothèse de la chasse à ces animaux à proximité des carrières.

Une « sainte trinité » paléolithique universelle

La présence de ces grandes carrières à proximité des routes migratoires a du sens. Selon l’anthropologue Meir Finkel, le principal auteur de ces travaux, il était en effet impératif pour les chasseurs d’éléphants de préparer à l’avance un grand nombre d’outils de coupe, car il était difficile de préserver une carcasse d’éléphant, surtout avec la présence de prédateurs rôdant à proximité.

En élargissant leur perspective, les chercheurs ont également constaté que cette « sainte trinité » paléolithique, composée d’eau, de proies et de bonne pierre pour fabriquer des outils, s’appliquait universellement. Partout où il y avait de l’eau, il y avait des éléphants et là où se trouvaient des éléphants, les humains devaient trouver des affleurements rocheux adaptés pour fabriquer des outils.

Cette étude souligne l’importance cruciale de l’eau dans les migrations animales préhistoriques et dans les activités de subsistance des premiers humains. Elle témoigne également de la perspicacité et de l’ingéniosité des ancêtres de l’Homme moderne dans leur adaptation à des environnements changeants et hostiles.

Les détails de l’étude sont publiés dans la revue Archéologies.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.