Environ un tiers de la population mondiale Ă des problĂšmes de sommeil. La plupart des gens se rĂ©veillent en effet pendant la nuit. Si les causes peuvent ĂȘtre multiples, lâune dâelles ne vient pas forcĂ©ment Ă lâesprit au premier abord. Des preuves suggĂšrent en effet que cette pĂ©riode dâĂ©veil entre deux pĂ©riodes de sommeil distinctes Ă©tait autrefois la norme.
Le sommeil influe non seulement sur notre santĂ© mentale et physique, mais aussi sur notre capacitĂ© Ă fonctionner au quotidien. Nous jugeons habituellement que huit heures de sommeil dâaffilĂ©e sont essentielles pour ĂȘtre en bonne forme. Mais est-ce vraiment le casâ? De nombreux rĂ©cits historiques Ă©voquent le sommeil fragmentĂ©, et des tribus africaines et sud-amĂ©ricaines font Ă©galement rĂ©fĂ©rence au «âpremierâ» et au «âsecondâ» sommeil. Les anthropologues ont Ă©galement trouvĂ© des preuves que durant lâEurope prĂ©industrielle, le sommeil bimodal Ă©tait considĂ©rĂ© comme la norme. Le livre de lâhistorien A. Roger Ekirch, At Nightâs Close : Night in Times Past, raconte par exemple comment les mĂ©nages se retiraient quelques heures aprĂšs le crĂ©puscule, se rĂ©veillaient quelques heures plus tard pendant une Ă deux heures, puis se rendormaient une seconde fois jusquâĂ lâaube.
Pendant cette pĂ©riode de rĂ©veil, les gens se dĂ©tendaient, rĂ©flĂ©chissaient Ă leurs rĂȘves ou faisaient lâamour. Certains sâengageaient dans des activitĂ©s comme coudre, couper du bois, ou lire, en sâappuyant sur la lumiĂšre de la lune ou des lampes Ă huile. Ekirch note Ă©galement que les rĂ©fĂ©rences au premier et deuxiĂšme sommeil commencent Ă disparaĂźtre Ă la fin du 17e siĂšcle. On pense que cela a commencĂ© dans les classes supĂ©rieures en Europe du Nord, avant de filtrer vers le reste de la sociĂ©tĂ© occidentale au cours des 200 annĂ©es suivantes. Fait intĂ©ressant, lâapparition de lâinsomnie de maintien du sommeil dans la littĂ©rature Ă la fin du 19e siĂšcle coĂŻncide avec la pĂ©riode oĂč le principe de «âsommeil partagĂ©â» commence Ă disparaĂźtre.
Ainsi, la sociĂ©tĂ© moderne pourrait exercer une pression inutile sur les individus, en ne privilĂ©giant quâune seule phase de sommeil, ajoutant Ă lâanxiĂ©tĂ© et perpĂ©tuant le problĂšme.
En 1993, Thomas Wehr, un psychiatre de lâInstitut national de la santĂ© (Ătats-Unis), conduit une expĂ©rimentation clinique consistant Ă priver des individus de lumiĂšres artificielles. Il a fallu un certain temps pour rĂ©guler leur sommeil, mais dĂšs la quatriĂšme semaine, un schĂ©ma de sommeil biphasique distinct a Ă©mergĂ©. Les individus dormaient dâabord pendant 4 heures, puis se rĂ©veillaient pendant 1 Ă 3 heures avant de tomber dans un deuxiĂšme sommeil de 4 heures. Cette dĂ©couverte suggĂšre ainsi que le sommeil biphasique est un processus naturel avec une base biologique.
Il existe Ă©galement de plus en plus de preuves suggĂ©rant que les siestes peuvent avoir des avantages importants pour la mĂ©moire et lâapprentissage, en augmentant notre vigilance et en amĂ©liorant lâhumeur. Certains croient que les troubles du sommeil comme lâinsomnie sont enracinĂ©s dans la prĂ©fĂ©rence naturelle du corps pour le sommeil partagĂ©. Par consĂ©quent, les horaires de sommeil partagĂ© peuvent ĂȘtre un rythme plus naturel pour certaines personnes.
Malheureusement, la sociĂ©tĂ© actuelle ne permet souvent pas ce type de flexibilitĂ©. Nous devons par consĂ©quent nous conformer aux horaires de sommeil/rĂ©veil dâaujourdâhui. On pense gĂ©nĂ©ralement quâun sommeil ininterrompu de 7 Ă 9 heures est probablement le meilleur pour se sentir en forme. Toutefois, un tel programme peut ne convenir Ă nos rythmes circadiens, car nous nous dĂ©synchronisons avec le cycle lumiĂšre/obscuritĂ© externe de 24 heures. Dans lâidĂ©al, nous devrions alors revenir au modĂšle de sommeil bimodal de nos ancĂȘtres de lâĂšre prĂ©industrielle, capables de sâinscrire dans un cadre industriel moderne.
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