Quelle est cette porte des enfers située dans la toundra sibérienne ?

cratère Batagaika
Crédits : Agence Spatiale Européenne (ESA) / Flickr

En Sibérie, un gouffre énorme visible depuis l’espace intrigue les scientifiques depuis des décennies. Cette formation, surnommée porte des enfers (à ne pas confondre avec celle située au Turkménistan), continue en effet d’avaler le paysage à un rythme effrayant. Ce cratère engouffre en effet environ un million de mètres cubes chaque année.

Un témoin violent du réchauffement climatique

Le cratère de Batagaika se trouve au nord-est de la Russie. Il s’agit d’une dépression de type thermokarst (formée par thermoclastie) qui s’agrandit par érosion régressive. Autrement dit, c’est une zone assujettie aux affaissements de terrain causés par le tassement du sol consécutif de la fonte de la glace du pergélisol et une désagrégation mécanique des roches sous l’effet des variations de température. Selon les observateurs qui suivent le phénomène depuis des décennies, cette cicatrice géante est un des témoignages les plus violents des bouleversements générés par le réchauffement climatique, du moins dans les régions polaires.

En juin 2024, le département de cryolithologie et glaciologie de la Faculté de géographie de Moscou (Russie) a publié une étude dans la revue Geomorphology. Son objectif était d’apporter de nouveaux éléments concernant la vitesse de progression du gouffre. « Cette étude présente les résultats de la modélisation géologique 3D dévoilant la structure cryolithologique du sous-sol du site clé et une évaluation des flux de sédiments dégelés et d’eau de fonte pendant la croissance du gouffre depuis le début », peut-on lire dans le compte-rendu. D’après les résultats, ce gouffre aurait triplé en trois décennies et avalerait pas moins d’un million de mètres cubes de sol chaque année.

cratère Batagaika porte des enfers
Crédits : NASA Earth Observatory

La porte des enfers : un phénomène qui s’accélère

En 2017, une équipe de l’Institut Alfred-Wegener de Potsdam (Allemagne) avait affirmé avoir étudié le phénomène durant une décennie. Or, les rebords du gouffre auraient reculé d’une dizaine de mètres chaque année. Au fil des glissements de terrain et des éboulements, la formation atteignait une largeur de près d’un kilomètre pour une profondeur de 80 mètres.

Ce phénomène inquiétant traduit en réalité un phénomène plus large qui s’attaque à un pilier de l’écosystème arctique : la fonte du permafrost. Ce permafrost (en français pergélisol) n’est autre que la couche de sol prisonnière du gel en permanence qui se trouve dans les régions froides. Or, il s’y trouve des quantités impressionnantes de carbone piégées depuis des millénaires. Par ailleurs, ce paysage de toundra est un énorme réservoir de biodiversité qu’il convient de préserver.

Le gouffre s’agrandit lorsque le permafrost se réchauffe, déstabilisant ainsi le terrain à proximité. La zone se trouve alors dans un cercle vicieux : chaque chute de terrain expose une nouvelle zone au dégel, ce qui accélère au passage inlassablement l’élargissement de la fosse. Enfin, l’humain serait tenté de ralentir artificiellement la progression du gouffre, mais il semble qu’aucune technologie ne puisse y parvenir.