Une idée assez répandue veut que l’Homme ait commencé à bouleverser son environnement avec le début des révolutions industrielles. Toutefois, ce paradigme devient de moins en moins défendable à mesure que la science progresse sur ces questions.
Une étude parue le 6 octobre dernier dans la revue Nature enfonce un peu plus le clou. La Terre de l’époque préindustrielle était loin de ressembler à un jardin d’Éden où les influences humaines pouvaient être considérées comme négligeables. La capacité de notre espèce à perturber l’environnement de façon profonde et à large échelle existait déjà.
Une pollution d’échelle hémisphérique par le peuple Maori
En effet, les chercheurs ont découvert une importante augmentation des dépôts de suie dans les glaces de la péninsule Antarctique à partir du 14e siècle. Or, ces mesures correspondent parfaitement avec les données des paléo-incendies de Nouvelle-Zélande qui montrent une hausse de l’activité des feux de forêt, en lien avec l’établissement du peuple Maori et la déforestation par brûlis qu’ils apportèrent.
La modélisation numérique confirme que la source responsable de l’augmentation du dépôt en noir de carbone devait se situer vers 40 °S. Lorsque l’on prescrit des émissions localisées au niveau de la nation insulaire, on obtient effectivement une concentration accrue en suie dans les glaces de la péninsule Antarctique. Le brûlage des terres néo-zélandaises apparaît donc comme la cause principale de l’épandage de suie à grande échelle dans l’hémisphère sud.
Antarctique : des traces de pollution depuis au moins 700 ans
« L’idée que les humains à cette époque de l’histoire aient causé un changement aussi important dans le noir de carbone atmosphérique à travers leurs activités de défrichement est assez surprenante », relate Joe McConnell, auteur principal du papier. « Nous avions l’habitude de penser que si vous remontiez quelques centaines d’années en arrière, vous seriez en face d’un monde préindustriel vierge. Toutefois, il ressort clairement de cette étude que les humains ont un impact sur l’environnement au-dessus de l’océan Austral et de la péninsule Antarctique depuis au moins les 700 dernières années ».
Pour mener à bien leur recherche, les scientifiques ont analysé six carottes de glaces prélevées il y a quelques années au niveau de la péninsule Antarctique. Selon les données obtenues, les émissions auraient culminé aux 16e et 17e siècles avec près de 36 000 tonnes de noir de carbone émises chaque année. D’un autre côté, les carottes issues des régions situées dans l’intérieur du continent blanc ne montrent presque pas de variations. La comparaison entre les deux permet de déterminer la concentration de fond et donc de connaître la fraction liée au brûlage par les Maoris.
« Pouvoir utiliser les archives de carottes de glace pour montrer les impacts sur la chimie atmosphérique qui ont atteint l’ensemble de l’océan Austral, et pouvoir attribuer cela à l’arrivée et à la colonisation des Maoris en Nouvelle-Zélande il y a 700 ans était vraiment incroyable », rapporte Nathan J. Chellman, un des coauteurs de l’étude. En ayant à l’esprit que la découverte de l’Antarctique remonte à 1819, soit bien après le début de la pollution au noir de carbone par les Maoris.