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Pollution de l’air : comment elle rend nos cerveaux lents et déments

Entre le vieillissement de la population et une urbanisation rapide, avoir une meilleure compréhension du rôle de la pollution de l’air dans les maladies cérébrales est clairement un enjeu pour la science et la médecine moderne. En effet, cet ennemi invisible est une menace déjà bien connue pour nos poumons. Ces dernières années, les scientifiques ont également découvert à quel point il s’agit d’une menace pour la santé humaine en découvrant son implication dans le cancer, les maladies cardiaques, le diabète, les faibles taux de natalité comme les naissances prématurées et de nombreuses affections. Cependant, elle a aussi des implications néfastes pour notre cerveau, pour l’heure encore peu connues. Deux recherches, l’une tout juste lancée et l’autre fraîchement publiée, visent à découvrir l’effet d’une mauvaise qualité de l’air ambiant sur notre santé cognitive.

Étudier le lien entre la pollution de l’air aux particules fines et la démence

Un type clé de pollution de l’air se présente comme de minuscules fragments de solides et de gouttelettes liquides en suspension dans l’air. Produits notamment par les échappements des voitures et camions, les usines, la poussière, le pollen, les volcans, les feux de forêt et d’autres sources, on les connaît sous le nom de particules fines 2.5 ou simplement PM2.5. Ces particules mesurent moins de 2,5 millionièmes de mètre de diamètre, ce qui fait qu’elles sont environ trente fois plus fines qu’un cheveu humain. Or, ce sont ces dimensions minuscules qui leur permettent de facilement infiltrer nos poumons et potentiellement notre circulation sanguine, posant alors des risques importants pour la santé.

Une exposition perpétuelle à une mauvaise qualité de l’air a été liée aux maladies neurodégénératives telles qu’Alzheimer et Parkinson, ce qui a conduit la pollution de l’air à être enregistrée comme un facteur de risque modifiable dans le rapport récent de la Commission Lancet sur la prévention, l’intervention et les soins liés à la démence.

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Le projet Rapid

Officiellement, « la pollution de l’air n’est généralement pas associée à la démence. Cependant, les épidémiologistes ont récemment découvert que les particules en suspension dans l’air sont en réalité fortement associées au risque de maladies neurodégénératives », rappelle le Professeur Charles Swanton, l’un des chefs de projet et directeur clinique adjoint de l’Institut Francis Crick (un centre de recherche biomédicale basé à Londres), au Guardian.

Les scientifiques de cet institut se sont donc donné pour mission d’étudier en détail son implication réelle dans le phénomène de neurodégénérescence à travers un projet de recherche intitulé Rapid. Les scientifiques impliqués chercheront ici à étudier les processus exacts par lesquels de minuscules particules polluantes peuvent mener à la démence, un travail qui pourrait apporter un éclairage sur la manière dont les particules d’air déclenchent des maladies en général et contribuer au développement de nouveaux médicaments pour contrer la progression de maladies telles que la maladie d’Alzheimer.

Quelques pistes envisagées

Les chercheurs du Crick pensent d’ores et déjà que trois mécanismes différents pourraient être impliqués dans la manière dont la pollution de l’air déclenche la démence.

-Les particules fines pourraient directement accélérer le processus par lequel les protéines s’agglomèrent dans le cerveau.

-Sinon, il se pourrait que l’arrivée de ces particules interfère avec la capacité du cerveau à éliminer ces agglomérations de protéines responsables de maladies neurodégénératives.

-Toutefois, il est aussi possible que les PM2.5 soient captées par les cellules immunitaires du cerveau et puissent les amener à déclencher une inflammation qui favorise l’apparition de la démence. Et cette dernière hypothèse n’est pas sans faire écho à des travaux récents qui ont justement identifié une augmentation de certains globules blancs et une réponse inflammatoire à la pollution aérienne en lien avec une perte de facultés cognitives.

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Comme la pollution de l’air augmente les globules blancs… et ralentit notre cerveau bien avant la vieillesse

Dans cette étude publiée le 16 octobre 2024, des chercheurs des universités de Rostock, Bonn et Luxembourg suggèrent qu’une inflammation systémique alimentée par une augmentation des monocytes (un type de globules blancs pilier de la réponse immunitaire de notre corps) pourrait être un conduit significatif pour les effets de l’exposition aux PM2.5 sur le déclin cognitif. Cette étude, publiée dans le journal Alzheimer’s & Dementia, pourrait ainsi changer notre perception de la pollution de l’air.

Contrairement à la majorité des études qui se concentrent toujours sur le déclin cognitif chez les personnes âgées, ces recherches fournissent en effet des preuves qui indiquent que même les jeunes adultes pourraient être affectés par une exposition chronique de faible intensité aux PM2.5.

Pour arriver à cette conclusion, l’équipe a passé en revue les données de plus de 66 000 participants dans la cohorte néerlandaise Lifelines. Les experts ont par ailleurs intégré les profils sanguins des participants adultes et leurs résultats à des tests cognitifs qui couvrent une décennie (2006-2015) en les recoupant avec des données sur la pollution de l’air à leurs domiciles. Cette analyse a conduit à de nouvelles observations sur les mécanismes inexplorés liant l’exposition aux PM2,5 et la santé cérébrale. Les chercheurs ont alors découvert que l’exposition aux PM2,5 est corrélée à un déclin du temps de traitement cognitif (CPT), soit la rapidité avec laquelle notre cerveau peut réagir. Pour l’expliquer plus simplement, la pollution rendrait le cerveau moins alerte et rapide.

Comment expliquer cela ?

Les mécanismes complexes expliquant comment les PM2,5 affectent la fonction cognitive restaient insaisissables jusqu’à présent. Bien que les PM2,5 puissent infiltrer directement le cerveau en traversant la barrière hématoencéphalique, provoquant alors une inflammation locale, cette recherche met en avant une inflammation systémique plus large résultant de cette exposition. « Nous émettons l’hypothèse que le nombre de globules blancs augmente en réponse aux polluants », affirme la professeure Gabriele Doblhammer, chef de groupe au DZNE de Rostock.

« Il a déjà été démontré que l’inflammation joue un rôle important dans le développement des maladies neurodégénératives. Ainsi, l’inflammation que nous observons en réponse à la pollution de l’air pourrait perturber les fonctions immunitaires dans le cerveau, altérant ainsi indirectement la santé cognitive », conclut-elle.

Julie Durand

Rédigé par Julie Durand

Autrefois enseignante, j'aime toujours autant partager mes connaissances et mes passions avec les autres. Je suis notamment passionnée par la nature et les technologies, mais aussi intriguée par les mystères nichés dans notre Univers. Ce sont donc des thèmes que j'ai plaisir à explorer sur Sciencepost à travers les articles que je rédige, mais aussi ceux que je corrige.