Depuis le début des années 2000, l’Inde a recours au « profilage de la signature des oscillations électriques cérébrales ». L’objectif ? Aider à résoudre les crimes et autres délits. Néanmoins, cette technologie assez surprenante ne peut constituer une preuve en soi en raison de manquements sur les plans éthique et scientifique.
Des ondes cérébrales trahissant le suspect malgré lui ?
Lors d’enquêtes criminelles, la désignation d’un suspect s’associe parfois à une absence de preuves nécessaires à son inculpation. En Inde, un curieux dispositif est censé aider à la résolution de certaines affaires malgré cette absence d’évidences : le Brain Electrical Oscillation Signature profiling (BEOS) ou « profilage de la signature des oscillations électriques cérébrales ».
Dans les faits, les autorités équipent le suspect à l’aide d’un casque à électroencéphalogramme (EEG) et le soumettent à l’écoute de courtes phrases en lien avec le crime. En enregistrant l’activité cérébrale de l’individu, les enquêteurs espèrent assister à l’activation de certaines zones du cerveau permettant de révéler un souvenir et donc, une « connaissance expérientielle » du crime.
La méthode permet en théorie d’analyser plusieurs types d’ondes cérébrales reflétant l’activation de réseaux neuronaux en lien avec la mémoire autobiographique. Autrement dit, s’agit de savoir si le suspect a réellement vécu le fait qui lui est reproché. Le cas échéant, les autorités le disculpent et le relâchent quasi automatiquement.

Une polémique à la limite du scandale
Comme l’explique une publication dans la revue Science du 15 mai 2025, les recours au BEOS se comptent par centaines et ce, depuis son apparition en Inde au début des années 2000 sous l’impulsion du psychologue clinicien Champadi Raman Mukundan et sa société Axxonet. Or, bien que le fruit de cette méthode ne soit pas recevable comme preuve directe depuis 2010 et la parution d’un arrêt de la Cour suprême du pays, l’influence sur les décisions de justice est bien présente. De plus, le BEOS a tendance à dépasser les frontières indiennes depuis quelques années.
Pourtant, le protocole de la méthode est en soi assez lunaire. En effet, le BEOS implique l’écoute par le suspect de phrases énoncées par les enquêteurs eux-mêmes, se basant sur leur propre version des faits. Or, il existe un fort risque d’orienter la perception de l’individu et surtout, d’induire chez ce dernier une charge émotionnelle capable d’influer sur son activité cérébrale. Pour l’heure, il n’existe aucune preuve que la « connaissance expérientielle » dont il est ici question relève d’un vrai souvenir ou d’une confusion mentale. Ainsi, il est tout à fait possible que des suspects innocents soient jugés coupables.
D’autres éléments alimentent la polémique autour du BEOS, notamment en ce qui concerne la prétendue possibilité de lire électriquement un souvenir. De plus, aucun protocole n’encadre la phase de création et d’écoute des fameuses phrases prononcées par les enquêteurs. Surtout, aucune étude digne de ce nom – validée par des pairs – n’a fait l’objet d’une publication dans une quelconque revue scientifique.