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Les poissons peuvent-ils se noyer ? (La réponse est plus compliquée qu’il n’y paraît)

Peut-on réellement imaginer un poisson en train de se noyer ? Cette idée semble paradoxale, voire absurde, tant ces animaux sont intrinsèquement liés au milieu aquatique. Pourtant, le monde sous-marin regorge de mécanismes complexes et subtils, et la frontière entre la survie et l’asphyxie y est parfois plus ténue qu’on ne l’imagine. Mieux comprendre comment les poissons respirent et ce qui peut menacer leur survie nous permet de mieux appréhender la fragilité des écosystèmes aquatiques et les défis auxquels ils font face.

Un point sur la respiration chez les poissons

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Crédits : Michael Gomes/iStock

Les poissons respirent grâce à leurs branchies, des organes spécialisés situés de part et d’autre de leur tête. Lorsque l’eau entre par la bouche, elle passe sur les lamelles branchiales, de fines structures riches en capillaires sanguins. Ces lamelles maximisent la surface d’échange et permettent l’extraction de l’oxygène dissous dans l’eau tout en rejetant le dioxyde de carbone.

Ce processus, appelé respiration branchiale, repose sur la diffusion passive des gaz : l’oxygène, plus concentré dans l’eau que dans le sang du poisson, se déplace naturellement vers les capillaires. Cependant, pour que ce mécanisme soit efficace, l’eau doit contenir une concentration suffisante en oxygène dissous, une condition que divers facteurs environnementaux peuvent altérer.

L’eutrophisation résulte par exemple d’un excès de nutriments dans l’eau, souvent dû au ruissellement agricole ou aux rejets industriels. Cette surcharge nutritive favorise alors la prolifération d’algues, dont la décomposition consomme de grandes quantités d’oxygène et crée des zones mortes où la vie aquatique devient impossible. De même, les périodes de sécheresse et la hausse des températures réduisent la solubilité de l’oxygène dans l’eau, ce qui aggrave les risques de suffocation pour les poissons, particulièrement dans les étangs ou cours d’eau peu profonds et stagnants.

Finalement, les poissons peuvent-ils se noyer ?

Sardines anchois banc poissons
Crédits : Jstephenlee/iStock

La noyade est définie comme le fait de mourir ou d’être tué par immersion dans un liquide. Par conséquent, les poissons ne peuvent pas se noyer. Cependant, comme dit tantôt, ils peuvent suffoquer dans l’eau sous certaines conditions. De nombreuses espèces doivent notamment nager en permanence pour que l’eau circule constamment au niveau de leurs branchies. C’est le cas de la plupart des requins, ce qui explique pourquoi ils ne survivent pas lorsqu’ils sont rejetés à la mer après l’amputation de leurs nageoires par les pêcheurs qui alimentent le marché derrière la soupe d’ailerons de requin. Un requin sans nageoire est incapable de nager et finira par conséquent par suffoquer.

Cependant, certains poissons sont capables de pomper l’eau par leur bouche et à travers leurs branchies, ce qui leur permet de cesser de nager. Parmi les espèces capables de ce mécanisme figurent les requins-nourrices, les raies et les pastenagues.

Notez par ailleurs que les poissons peuvent également suffoquer si leurs branchies subissent des dommages. Cela peut par exemple être dû au contact avec du matériel de pêche ou à une altercation avec un prédateur. Les maladies peuvent aussi jouer un rôle : certaines bactéries peuvent se fixer sur les branchies, ce qui les empêche de filtrer l’oxygène correctement.

Certaines créatures marines peuvent-elles respirer hors de l’eau ?

Hors de l’eau, les branchies plumeuses des poissons ont tendance à se coller, ce qui réduit ainsi l’espace disponible pour les échanges gazeux et entraîne finalement la suffocation. Certains poissons peuvent néanmoins bel et bien survivre plus longtemps hors de l’eau que d’autres. L’arapaïma d’Amérique du Sud, le plus grand poisson d’eau douce au monde (jusqu’à trois mètres de longueur), possède par exemple des branchies très petites et une vessie natatoire modifiée qui lui permet d’absorber l’oxygène de l’air. Grâce à cette adaptation, cet animal peut survivre hors de l’eau jusqu’à 24 heures.

Il existe toutefois un poisson capable de respirer de l’air : le dipneuste (ou poisson pulmoné). Apparu il y a environ 400 millions d’années, il en existe aujourd’hui six espèces qui vivent dans les rivières et lacs d’Afrique, d’Australie et d’Amérique du Sud. Le dipneuste remonte à la surface pour respirer en respirant de l’air grâce à ses poumons primitifs, une adaptation dérivée de la vessie natatoire. Cette anatomie lui permet également de survivre lors de périodes de sécheresse lorsqu’il s’enfouit dans la boue.

Et les mammifères et reptiles marins ?

baleine à bec
Une baleine à bec de Cuvier d’El Hierro, Canaries. Crédits : N. Aguilar ULL

Les mammifères et reptiles marins, comme les baleines et les tortues, respirent bien sûr comme nous en remontant à la surface pour aspirer de l’air dans leurs poumons. Contrairement à nous, ils possèdent toutefois des adaptations physiologiques remarquables qui leur permettent de rester immergés pendant de longues périodes. Leur principal mécanisme repose sur une capacité exceptionnelle à stocker et à gérer l’oxygène. Une concentration beaucoup plus élevée de myoglobine, une protéine musculaire capable de stocker l’oxygène, leur permet d’alimenter leurs muscles plus longtemps sans respirer. Leur sang contient également plus de globules rouges, facilitant un transport optimisé de l’oxygène. Lors de la plongée, ils ralentissent leur rythme cardiaque (bradycardie) et réduisent l’apport sanguin vers les organes non essentiels pour préserver l’oxygène au profit du cerveau, du cœur et des muscles.

Certains, comme les cachalots, possèdent des poumons capables de s’affaisser complètement pour éviter les risques liés à la pression des grandes profondeurs. Les tortues marines et les crocodiles, quant à eux, peuvent abaisser leur métabolisme pour limiter leur consommation d’oxygène, prolongeant ainsi leur immersion. Ces adaptations, trouvées aussi chez les éléphants de mer du genre Mirounga ou la tortue luth, leur permettent d’exploiter pleinement les ressources aquatiques, que ce soit pour chasser ou échapper aux prédateurs. Le record est toutefois toujours détenu par une baleine à bec de Cuvier (Ziphius cavirostris) qui a plongé pendant trois heures et 42 minutes.

Julie Durand

Rédigé par Julie Durand

Autrefois enseignante, j'aime toujours autant partager mes connaissances et mes passions avec les autres. Je suis notamment passionnée par la nature et les technologies, mais aussi intriguée par les mystères nichés dans notre Univers. Ce sont donc des thèmes que j'ai plaisir à explorer sur Sciencepost à travers les articles que je rédige, mais aussi ceux que je corrige.