Aujourd’hui, malgré quelques réfractaires, un nombre grandissant de parents adoptent la parentalité positive du fait de la réalisation croissante que les châtiments corporels (gifles, fessées…) font plus de mal que de bien. Néanmoins, le mot ne s’est pas encore répandu dans le monde animal. Et d’après une étude publiée récemment dans Animal Behaviour le 6 avril 2024, les poissons Neolamprologus savoryi pourraient même ne pas être d’accord avec cette vision trop douce de l’éducation. Ces animaux ont en effet couramment recours à des punitions musclées pour que leurs pairs, et notamment leur progéniture, adoptent le comportement voulu. Après la preuve que les daurades ont des sentiments, que les poissons rouges sont capables de conduire ou encore que le labre nettoyeur sait reconnaître son propre visage, ces recherches apportent une preuve de plus de l’intelligence des poissons.
La reproduction coopérative, un système qui doit impliquer tous les individus
Pour cette étude, les chercheurs affiliés à l’université métropolitaine d’Osaka ont étudié le comportement de Neolamprologus savoryi, un animal endémique au lac Tanganyika en Afrique qui se distingue par son mode de reproduction coopératif. Cela implique que plusieurs individus, au-delà du couple reproducteur, participent à l’élevage des jeunes. Ces aides peuvent être des frères, sœurs ou autres membres de la communauté, et ils protègent les œufs et les alevins, nettoient le nid et défendent le territoire face aux prédateurs, augmentant ainsi les chances de survie des plus petits.
Cette méthode permet ainsi d’avoir une progéniture plus nombreuse et de transmettre ses gènes indirectement en favorisant le succès reproductif de ses proches parents. Et si beaucoup d’espèces y ont recours, notamment chez les oiseaux et les mammifères, du côté des poissons, N. savoryi fait figure d’exception.
La punition : utilisée chez ces poissons
Pour que ce système coopératif fonctionne, il faut que ses membres y participent activement. Or, ce poisson a trouvé une méthode bien à lui pour s’en assurer. En effet, les chercheurs ont découvert que les mâles dominants pouvaient s’en prendre à certains de leurs congénères jugés un peu trop oisifs dans la défense du territoire ou la protection des sites de ponte, même au sein de leur propre progéniture. Ces punitions corporelles visent ainsi à les forcer à participer plus activement à la vie du groupe, et donc à sa survie. Et apparemment, cela fonctionne. Effectivement, les victimes de ces châtiments corporels y répondaient en corrigeant leur attitude et en adoptant un comportement plus coopératif.
Ainsi, on peut en conclure qu’au même titre que les sociétés humaines qui ont eu recours à ces méthodes depuis des temps immémoriaux pour maintenir l’ordre public, « les animaux sauvages utilisent également la punition pour encourager les comportements coopératifs des membres d’un même groupe », estime le Dr Satoshi Awata, l’auteur principal de l’étude. Il affirme par ailleurs que si les punitions étaient bien connues chez cette espèce auparavant, il n’y avait jusqu’à aujourd’hui que très peu de preuves de leur utilisation pour encourager la coopération au sein des familles de poisson, une lacune que ces travaux viennent donc combler.
Une autre preuve de l’intelligence des poissons
Cette incitation musclée à aider et participer démontre des capacités sociales et cognitives particulièrement avancées que la science pensait autrefois uniquement réservées aux vertébrés supérieurs. Non contents d’utiliser l’apprentissage par punition, ces animaux sont en effet capables de reconnaître individuellement leurs congénères et de développer des affinités avec les plus coopératifs d’entre eux. Ils manifestent ainsi des comportements dépassant en sophistication ceux de certains oiseaux ou mammifères terrestres. « Cela doit nous contraindre à reconsidérer la notion d’intelligence non seulement pour les poissons, mais aussi dans tout le règne animal », affirme le Dr Satoshi Awata.
Ces recherches apportent en tout cas un élément de plus pour aider à combler le fossé dans la compréhension de l’évolution des comportements coopératifs et les mécanismes utilisés par les animaux pour les maintenir.
Vous pouvez consulter l’étude ici et le communiqué de presse sur ce lien.