Des points chauds de canicule inexpliqués apparaissent partout dans le monde

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Régions où les vagues de chaleur observées dépassent les tendances des modèles climatiques. Les zones encadrées avec les couleurs rouges les plus foncées sont les plus extrêmes ; les rouges et les oranges moins marqués dépassent les modèles, mais pas autant. Les jaunes correspondent à peu près aux modèles, tandis que les verts et les bleus sont inférieurs à ce que les modèles projetteraient. Crédits : Kornhuber et al., PNAS 2024

L’année 2023 a été couronnée du titre peu enviable de l’année la plus chaude jamais enregistrée, avec une température moyenne de 1,18 °C au-dessus de la moyenne du vingtième siècle. Alors que 2024 semble déjà en passe de battre ce record, une tendance encore plus alarmante se dessine. Certaines régions du monde connaissent des vagues de chaleur si extrêmes qu’elles dépassent toutes les prévisions des modèles climatiques. Ces phénomènes, surnommés points chauds de canicule, inquiètent les chercheurs qui tentent d’en comprendre les causes et les conséquences.

Les canicules extrêmes : des records battus sans cesse

Depuis une décennie, les températures mondiales augmentent à un rythme effrayant, mais certaines vagues de chaleur locales défient les attentes, tant par leur intensité que par leur fréquence. Une étude récente publiée dans les Proceedings of the National Academy of Sciences a cartographié ces régions où les vagues de chaleur battent des records historiques de manière disproportionnée.

Des zones comme le nord-ouest de l’Europe, la Chine centrale, la Corée et l’est de l’Australie figurent parmi les plus touchées. En 2021, par exemple, une vague de chaleur a frappé le nord-ouest du Pacifique américain et le sud-ouest du Canada et atteint des températures record. À Lytton, en Colombie-Britannique, le thermomètre a grimpé à 49,6 °C avant qu’un incendie alimenté par la chaleur ne détruise la ville le lendemain. Ces événements sont d’autant plus préoccupants qu’ils deviennent de plus en plus fréquents, avec des conséquences humaines et environnementales désastreuses.

En Europe, les vagues de chaleur sont particulièrement meurtrières. En 2022 et 2023, elles ont causé environ 60 000 et 47 000 décès respectivement. Ces records s’accompagnent d’une chaleur qui se réchauffe deux fois plus vite que la moyenne estivale, ce qui rend cette région extrêmement vulnérable.

Les causes complexes des points chauds de canicule

Bien que la hausse des températures mondiales augmente généralement le risque de vagues de chaleur, les mécanismes derrière ces points chauds extrêmes restent encore mal compris. Plusieurs facteurs semblent contribuer à leur apparition :

  • La déstabilisation du jet-stream : ce courant d’air rapide qui tourne autour de l’hémisphère nord-est perturbé par le réchauffement de l’Arctique qui se produit à un rythme deux à quatre fois plus rapide que le reste du globe. Ces perturbations entraînent des ondes de Rossby, de grandes oscillations qui aspirent l’air chaud des régions tropicales vers les zones tempérées.
  • Des sols asséchés et une végétation en stress hydrique : après des décennies de réchauffement progressif, les plantes et les sols de certaines régions ont perdu leur capacité à modérer la chaleur en évaporant de l’eau. Cela aggrave les vagues de chaleur comme ce fut le cas lors de la canicule au Canada en 2021.
  • Des anomalies atmosphériques locales : dans certains cas, des vagues atmosphériques capturent la chaleur des océans voisins et la transportent sur terre, ce qui exacerbe les températures.

Malgré ces hypothèses, les chercheurs admettent que ces phénomènes ne sont pas entièrement explicables par les modèles climatiques actuels. Certaines vagues de chaleur pourraient même être qualifiées de cygnes gris, des événements improbables, mais plausibles situés entre l’inattendu et l’inévitable.

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Des chercheurs ont identifié des méandres dans le courant-jet de l’hémisphère nord qui peuvent aspirer l’air chaud du sud et provoquer des points chauds de canicule dans de vastes régions d’Amérique du Nord et d’Eurasie. Cette image est tirée d’une étude de 2020. Crédits : Kornhuber et coll., Nature Climate Change , 2020

Des impacts dévastateurs sur l’humanité et l’environnement

Les conséquences de ces points chauds de canicule sont multiples et souvent catastrophiques. Sur le plan humain, elles causent des décès massifs, notamment parmi les populations les plus vulnérables, comme les personnes âgées ou les travailleurs en extérieur. Aux États-Unis, par exemple, les décès liés à la chaleur ont doublé depuis 1999 et atteint 2 325 en 2023.

Sur le plan environnemental, les impacts sont tout aussi préoccupants. Les incendies de forêt se multiplient, alimentés par des températures record et une végétation desséchée. Les rendements agricoles chutent, ce qui menace la sécurité alimentaire mondiale. Enfin, les infrastructures, conçues pour des climats plus tempérés, subissent des dégradations sous l’effet de la chaleur extrême.

Ces points chauds de canicule affectent également la biodiversité, car les écosystèmes ne sont souvent pas adaptés à ces changements brusques. Certaines espèces animales et végétales pourraient ne pas survivre à ces conditions extrêmes, ce qui pourrait entraîner des déséquilibres écologiques durables.

Une prise de conscience et des mesures urgentes nécessaires face à la canicule

Face à cette situation, la communauté scientifique et les gouvernements appellent à des mesures rapides pour mieux anticiper et atténuer ces phénomènes. L’une des propositions consiste à nommer les vagues de chaleur, comme on le fait pour les ouragans. Cela permettrait de sensibiliser davantage le public et de pousser les autorités à mieux se préparer.

Cependant, la prévention à long terme passe inévitablement par une réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre. Les scientifiques soulignent que chaque fraction de degré de réchauffement global réduit les risques d’événements extrêmes.

Enfin, des investissements dans l’adaptation sont indispensables. Cela inclut la modernisation des infrastructures, le développement de systèmes d’alerte précoce et l’accès accru à la climatisation, notamment dans les régions où elle est peu courante, mais de plus en plus nécessaire.