C’est le cerveau fossilisé le plus ancien jamais découvert

Cardiodictyon cattenulum cerveau
Vue d'artiste de ce à quoi le ver fossilisé, Cardiodictyon cattenulum, aurait pu ressembler. Crédits : Nicholas Strausfeld/Université d'Arizona

Une réanalyse d’un ver fossilisé vieux de plus de 500 millions d’années découvert en Chine il y a près de quarante ans met en lumière le plus ancien exemple de cerveau jamais découvert. Sa forme surprenante offre des indices sur l’évolution générale des arthropodes. Les détails de l’étude sont publiés dans la revue Arthropod Evolution.

Une découverte exceptionnelle

Inscrit au Patrimoine mondial de l’UNESCO, le site fossilifère de Chengjiang, en Chine, préserve une série de dépôts du Cambrien inférieur, datés entre 525 et 520 millions d’années, renfermant des fossiles d’organismes au corps mou. Parmi ces créatures figure Cardiodictyon cattenulum qui appartient au phylum Lobopodia. Ces ancêtres des arthropodes évoluaient au niveau des fonds marins pendant la période cambrienne (il y a 541 millions à 485,4 millions d’années).

Découverte en 1984, l’espèce vient de faire l’objet d’une nouvelle analyse. À leur grand étonnement, les chercheurs ont alors isolé un système nerveux préservé, y compris un cerveau. « À notre connaissance, il s’agit du plus ancien cerveau fossilisé que nous connaissions à ce jour« , confirme Nicholas Strausfeld, neurobiologiste à l’Université de l’Arizona à Tucson.

S’il a fallu près de quarante ans aux scientifiques pour découvrir le cerveau de C. cattenulum, c’est parce que nous pensions auparavant que tous les tissus mous de l’animal ne pouvaient pas se fossiliser, principalement en raison de la petite taille et de l’âge du fossile. Autrement dit, le potentiel d’existence de ces restes était si faible que les chercheurs n’avaient même pas pris la peine de se concentrer dessus.

Cependant, des enquêtes récentes sur des fossiles similaires datant de la même époque ont peu à peu changé cette idée. C’est pourquoi certaines créatures, à l’instar de C. cattenulum, repassent parfois sous l’objectif des microscopes.

Cardiodictyon cattenulum cerveau
Le corps fossilisé (en haut à gauche) et le cerveau fossilisé (en haut à droite). La couleur magenta indique la présence de tissu neural préservé. La reconstruction ci-dessus montre comment le système nerveux de l’animal aurait été structuré. Crédits : Nicholas Strausfeld/Université d’Arizona

Quelques observations inattendues

La présence même du cerveau est déjà stupéfiante en soi, mais les chercheurs ont été encore plus surpris par la forme et la structure du crâne de la créature. D’après les examens, la tête et le cerveau sont tous deux non segmentés (pas divisés en plusieurs parties). En revanche, le reste du corps du fossile paraît divisé en segments.

Il s’agit d’une anatomie complètement inattendue. Pendant plus d’un siècle, les chercheurs ont en effet pensé que les cerveaux et les têtes des arthropodes disparus depuis longtemps étaient tous segmentés comme ceux des arthropodes modernes. Et pour cause, la plupart des fossiles d’autres ancêtres anciens des arthropodes présentent également des têtes et des cerveaux segmentés. Visiblement, ce n’était pas le cas pour toutes les créatures.

Cardiodictyon cattenulum cerveau
Gros plan sur le spécimen fossile piégé dans la roche. La tête non segmentée de l’animal se trouve à l’extrême droite de l’image. Crédits : Nicholas Strausfeld/Université d’Arizona

Tout aussi surprenant : de petits amas de nerfs, appelés ganglions, traversaient le corps segmenté de C. cattenulum. À la lumière de cette observation, les chercheurs pensent que les cerveaux et les têtes segmentés observés chez les arthropodes modernes pourraient avoir évolué séparément du reste du système nerveux qui s’est probablement segmenté en premier.

Malgré tout, les auteurs soulignent que ce cerveau fossilisé partage encore quelques caractéristiques clés avec ceux des arthropodes modernes, ce qui laisse à penser que le « plan cérébral de base » n’a pas tant évolué que cela au cours des 500 derniers millions d’années.

Les chercheurs aimeraient maintenant comparer ces tissus cérébraux avec ceux d’autres groupes d’animaux pour essayer d’en savoir plus sur la façon dont les différents cerveaux se sont diversifiés au fil du temps.