Pourquoi certains nuages produisent-ils des prĂ©cipitations, quâil sâagisse de pluie, de neige ou parfois de grĂȘle ? Comment expliquer que certains dâentre eux parviennent Ă gĂ©nĂ©rer des trombes dâeau en Ă peine quelques dizaines de minutes alors que dâautres peuvent persister plusieurs heures sans donner la moindre goutte ? Le point dans cet article.
Si lâon condensait toute la vapeur dâeau prĂ©sente dans lâatmosphĂšre Ă un instant donnĂ© et quâon la distribuait uniformĂ©ment Ă la surface de la Terre, on obtiendrait une couche dâeau de 2,5 centimĂštres dâĂ©paisseur environ. Le mĂȘme exercice appliquĂ© aux gouttelettes et cristaux constitutifs des nuages formerait une couche dâun dixiĂšme de millimĂštre seulement.
Le fait que les nuages correspondent Ă une fraction infime dâun Ă©lĂ©ment qui ne reprĂ©sente lui-mĂȘme au mieux que quelques pour cent de la composition de lâatmosphĂšre est une autre maniĂšre dâillustrer pourquoi les modĂšles ont tant de mal Ă gĂ©rer leur Ă©volution. Aussi, pour un scĂ©nario donnĂ©, les nuages restent Ă ce jour la principale cause dâincertitudes dans les projections climatiques.
L’apparition des condensats
Pour se former, les gouttelettes et les cristaux de glace nĂ©cessitent la prĂ©sence de poussiĂšres microscopiques. Ă lâimage de la nacre qui sâaccumule autour des grains de sable et forme les perles des huĂźtres, ces poussiĂšres vont jouer le rĂŽle dâembryons autour desquels la condensation de la vapeur d’eau va pouvoir commencer. On parle de noyaux de condensation pour les gouttelettes d’eau et de noyaux glaciogĂšnes pour les cristaux de glace.
Une fois qu’un certain nombre de condensats s’est formĂ©, un nuage apparaĂźt. Cependant, le chemin est encore long avant que notre brume vaporeuse ne puisse produire des prĂ©cipitations. En effet, les particules dâeau vont devoir dĂ©cupler leur taille, donc leur poids, de façon considĂ©rable avant dâĂȘtre suffisamment lourdes pour pouvoir Ă©chapper Ă la turbulence de l’air et tomber au sol. Si cette condition n’est pas remplie, le nuage ne donne pas de prĂ©cipitations.
Vers la genÚse des précipitations
Contrairement Ă ce que lâon pourrait penser, les gouttelettes et les cristaux sont encore trop petits pour que la croissance puisse se faire par collisions. Les particules vont donc continuer Ă gagner en taille par transfert de vapeur d’eau, câest-Ă -dire par condensation. Cette derniĂšre est toutefois trĂšs particuliĂšre, car elle nĂ©cessite cette fois-ci la prĂ©sence de cristaux de glace.
Dans la partie du nuage Ă tempĂ©rature nĂ©gative, on trouve initialement un grand nombre de gouttelettes en Ă©tat de surfusion (liquides sous 0 °C) mais trĂšs peu de cristaux. Et pour cause, les noyaux de glaciation sont trĂšs rares tant que le sommet du nuage n’est pas assez Ă©levĂ©. En effet, l’eau est assez tatillonne sur les noyaux permettant la glaciation et ce n’est qu’Ă trĂšs basse tempĂ©rature qu’ils deviennent actifs.
Or, lorsque les cristaux font leur apparition dans la partie supĂ©rieure du nuage, les gouttelettes tendent Ă sâĂ©vaporer et Ă transfĂ©rer leur eau vers les particules de glace. Par consĂ©quent, les cristaux se multiplient, gagnent en taille et tombent par rapport aux autres particules. Le processus s’apparente Ă une vĂ©ritable rĂ©action en chaĂźne avec nombre croissant de cristaux, de plus en plus volumineux.
C’est le dĂ©but du cheminement vers la prĂ©cipitation. Intervient alors un second mĂ©canisme, dit de collection, qui va encore accĂ©lĂ©rer la croissance des particules de glace.
Entre pluie, neige et grĂȘle
Si la tempĂ©rature du milieu nuageux est partout nĂ©gative, le cristal va continuer Ă croĂźtre par transfert de vapeur mais surtout par agrĂ©gation, câest-Ă -dire par collision avec dâautres cristaux : un flocon de neige se forme. Dans sa chute vers la surface, le flocon va traverser un milieu avec une tempĂ©rature supĂ©rieure au 0 °C et se transformer en goutte dâeau. Câest de loin le mĂ©canisme le plus frĂ©quent de formation de la pluie aux latitudes tempĂ©rĂ©es.
La partie infĂ©rieure du nuage peut nĂ©anmoins ĂȘtre Ă tempĂ©rature positive et, dans ce cas, la goutte continue Ă croĂźtre par coalescence en fusionnant avec d’autres gouttes et gouttelettes tant qu’elle se trouve dans le nuage. Dans le cas oĂč la tempĂ©rature est suffisamment froide Ă l’intĂ©rieur et sous le nuage pour prĂ©venir la fonte, les flocons tombent jusquâen surface et lâon observe des chutes de neige.
Enfin, si le milieu nuageux est riche en eau liquide surfondue, ce qui est le cas des nuages instables de type cumulonimbus, le cristal va entrer en collision avec un grand nombre de gouttelettes en surfusion qui vont instantanĂ©ment geler Ă son contact. Par consĂ©quent, collision aprĂšs collision, le cristal se couvre dâune coquille de glace.
Ce mĂ©canisme dâaccrĂ©tion mĂšne Ă lâapparition de grĂ©sil si les particules tombent assez vite du nuage ou de grĂȘle si les ascendances sont assez puissantes pour les maintenir en lâair. Comme pour les flocons, toute particule de grĂ©sil nâatteint pas le sol et peut se transformer en goutte si une couche dâair suffisamment chaud est prĂ©sente entre le nuage et la surface.
Source : Meteorology for Aviation, Jean-Henry Robres & coll. 2013.