En Arctique, la pluie pourrait s’imposer bien plus tôt que prévu

Groenland calotte
Crédits : @RasmusTonboe.

Une étude basée sur la dernière génération de modèles climatiques soutient qu’en Arctique, la pluie devrait remplacer la neige à un rythme bien plus rapide que celui anticipé jusqu’à présent. Les résultats ont été publiés dans la revue Nature communications ce 30 novembre.

La région polaire nord-est souvent considérée comme une sentinelle des changements climatiques. En effet, la hausse des températures, le retrait des glaces ou encore l’altération du cycle hydrologique surviennent à un rythme particulièrement rapide. Parmi les diverses évolutions qui touchent l’Arctique, citons le passage d’un climat dominé par la neige à un climat dominé par la pluie en moyenne annuelle.

Quand la pluie remplace la neige

Même si la neige prévaut encore à l’heure actuelle, les signes avant-coureurs ne manquent pas. Rappelons à ce titre l’épisode de pluie survenu au sommet du Groenland en août dernier, un phénomène qui ne s’était jamais produit auparavant. Aussi, non seulement l’air de plus en plus doux amène des précipitations plus importantes, mais une fraction croissante de celles-ci tombe sous forme liquide.

Or, selon les simulations effectuées par la dernière génération de modèles climatiques dans le cadre du projet CMIP6, cette transition vers la pluie devrait se produire plus rapidement que ce qui était envisagé jusqu’ici. Les saisons les plus affectées sont l’été et l’automne, lorsque la température est déjà proche de 0 °C. Cependant, même si elle ne devient pas prépondérante, la fraction de précipitations tombant sous forme liquide augmente également de façon nette en hiver et au printemps.

arctique neige pluie
Ratio des chutes de neige en Arctique pour les quatre saisons de l’année selon l’ancienne (orange) et la nouvelle (bleu) génération de modèles. En dessous de 0.5 (marqué par la ligne noire), la pluie domine. Notez que ce sont essentiellement les saisons d’été (JJA) et d’automne (SON) qui sont concernées, même si la pluie devient également de plus en plus fréquente en hiver (DJF) et au printemps (MAM).  Crédits : Michelle R. McCrystall & coll. 2021.

Une menace supplémentaire pour le domaine arctique

Les projections les plus récentes simulent une élévation de température et un retrait de la banquise plus importants que les simulations de CMIP5 pour un même scénario d’émissions de gaz à effet de serre. Et avec des surfaces d’eau libres de glace plus étendues, l’humidification de l’atmosphère et la hausse des précipitations qui l’accompagne sont également plus rapides. Par conséquent, si l’on en croit l’étude, les échéances sont avancées de dix à vingt ans.

« En automne, par exemple, lorsque les changements les plus importants se produisent, le centre de l’Arctique pourrait effectuer cette transition vers 2070 dans la dernière génération de modèles par rapport à 2090 dans la génération précédente », relate Michelle McCrystall, auteure principale de l’étude. « Les changements vont être plus graves et se produire bien plus tôt que prévu et auront donc d’énormes implications pour la vie à l’intérieur et au-delà de l’Arctique ».

Cette évolution implique entre autres une multiplication des épisodes de pluie sur sol enneigé, un phénomène particulièrement redoutable puisqu’il tend à former une couche de glace en surface ou à l’intérieur du manteau neigeux au moment où le froid revient. Pour les rennes, caribous et autres espèces qui dépendent d’une nourriture se trouvant sous la neige, la présence de cette barrière peut provoquer de véritables hécatombes.

Toutefois, si nous parvenons à limiter le réchauffement climatique sous les 2 °C et même si les évolutions sont plus rapides qu’anticipées, l’Arctique continuerait probablement à bénéficier d’un climat dominé par la neige. Néanmoins, il faut rester réaliste : l’objectif n’est plus d’empêcher, mais bien de limiter une dérive environnementale désormais devenue inévitable.