« Plasticose » : quelle est cette nouvelle maladie identifiée chez les oiseaux de mer ?

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Un Puffin à pieds pâles. Crédits : Tim Henderson

Des chercheurs viennent de décrire une nouvelle maladie appelée plasticose qui, comme son nom l’indique, est directement causée par l’ingestion de déchets plastiques dans l’environnement. Si la maladie n’a pour le moment été identifiée que dans le tube digestif des oiseaux de mer, l’ampleur du problème suggère qu’elle pourrait être répandue à d’autres espèces et à différentes parties du corps. Les détails de l’étude sont publiés dans le Journal of Hazardous Materials.

Le problème du plastique sur l’environnement

En tant qu’indicateur géologique potentiel de l’Anthropocène, le plastique est une caractéristique omniprésente de notre société moderne. Les plastiques et le changement climatique sont par ailleurs intrinsèquement liés, la production de plastique contribuant actuellement à près de 5 % des émissions mondiales de GES. Et ce n’est pas fini. On estime en effet que sans intervention claire, la demande en plastique pourrait doubler d’ici 2050.

L’augmentation des petits fragments de plastique est de plus en plus préoccupante dans les milieux terrestres, mais aussi, et surtout dans l’environnement marin. Du plancton au rorqual bleu, les biologistes pensent en effet que le plastique a un impact sur plus de 1200 espèces. Bien qu’il y ait un débat sur la mesure dans laquelle ces particules causent des dommages aux populations ou aux écosystèmes, il existe de plus en plus de preuves que leur ingestion entraîne des conséquences diverses et durables pour un large éventail d’animaux.

Dans le cadre de ces nouveaux travaux, des chercheurs du Muséum d’Histoire Naturelle de Londres se sont intéressés aux effets néfastes de ces plastiques sur la santé des Puffins à pieds pâles (Ardenna carneipes).

Cet oiseau de mer de taille moyenne se reproduit sur les îles au large des côtes de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande. Reconnue par son aspect distinctif, cette espèce se nourrit de petits poissons et de calmars qu’elle attrape en plongeant dans l’océan. Connus pour parcourir de longues distances pendant la migration, ces oiseaux sont classés comme quasi menacés sur la Liste rouge de l’UICN en raison de la destruction de leur habitat, de la prédation par les espèces introduites et de la pollution. Selon des études antérieures, ils figurent en effet parmi les oiseaux les plus contaminés par le plastique au monde.

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Un Puffin à pieds pâles. Crédits : Ed Dunens

Une nouvelle maladie

Au cours de leurs analyses, les chercheurs ont constaté que de minuscules éclats de plastique se logeaient dans le tube digestif des oiseaux, provoquant une inflammation chronique et des cicatrices dans le proventricule, la première chambre de leur estomac, jusqu’à ce qu’il commence finalement à se dégrader.

Or, ce processus peut retarder le travail des glandes qui sécrètent normalement des composés digestifs, ce qui peut affecter leur absorption de vitamines et les rendre plus vulnérables aux infections et aux parasites. Pour ceux qui survivent, la plasticose semble également retarder leur croissance. De plus grandes quantités de plastique étaient alors associées à un poids total plus petit et à des ailes plus courtes.

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Vue au microscope des conséquences de l’ingestion de plastique sur les tissus digestifs des oiseaux de mer. Crédits : Journal of Hazardous Materials

Pour les chercheurs, les symptômes des oiseaux étaient si cohérents qu’ils justifiaient la description d’une nouvelle maladie : la plasticose, qui tire son nom de sa similitude avec d’autres maladies fibrotiques causées par des matériaux inorganiques comme la silicose et l’asbestose.

Jusqu’à présent, la plasticose n’a été documentée que dans les systèmes digestifs de ces oiseaux de mer. Cependant, étant donné la fréquence du polluant, l’équipe note qu’il est probable que la maladie affecte aussi d’autres espèces. En raison des impacts potentiels du plastique sur la santé de la faune (et des humains par extension), ces résultats soulignent ainsi l’urgence de continuer à renforcer nos connaissances sur les impacts sublétaux de ces polluants.