Dans l’esprit de beaucoup de monde, augmenter le couvert forestier est un moyen direct et efficace de limiter le changement climatique. En particulier, il est fait mention de la capacité des arbres à fixer le carbone dans leur biomasse. Toutefois, la réalité pratique est plus complexe et nuancée.
Planter des arbres est une technique souvent mise en avant dans la lutte contre le réchauffement climatique et la déforestation. Ou encore, pour préserver la biodiversité et mieux gérer les ressources en eau. Aussi, il existe une tendance grandissante à considérer la plantation d’arbres comme un remède simple et efficace. Une vision biaisée qu’il convient de recadrer pour des raisons aussi bien pédagogiques que pratiques.
Quand la reforestation accentue la déforestation
Comme le détaille un billet récemment paru dans Science, lorsque les projets de reforestation sont mal pensés ou préparés, ils risquent de provoquer plus de mal que de bien – sans compter l’argent et le temps perdus. Par exemple, le reboisement de secteurs déforestés peut favoriser le déplacement des zones d’activités agricoles vers des paysages vierges et ainsi accélérer le défrichage de forêts primaires. Or, la richesse écologique de ces dernières ne pourra jamais être totalement restaurée.
De fait, pour préserver les forêts et leur biodiversité, il conviendrait surtout de planifier des mesures de régulation du défrichage. Chose que les dirigeants du G7 ont esquivé en 2019, préférant mettre en avant la carte du reboisement. En somme, un demi-renoncement.
Par ailleurs, comme indiqué plus haut, la plantation d’arbres est très souvent vue comme un moyen de limiter le changement climatique via la capture du dioxyde de carbone (CO2). En effet, en phase de croissance, les arbres fixent du carbone dans leur biomasse tout en rejetant du dioxygène. Il s’agit du phénomène bien connu de photosynthèse. Néanmoins, là aussi, les choses sont plus complexes qu’on ne pourrait le penser de prime abord.
Planter des arbres ne favorise pas nécessairement la capture de carbone
Une étude parue le 14 juillet dernier vient illustrer cette complexité. En effet, après plusieurs décennies de suivi, une expérience de plantation d’arbres sur des landes écossaises a montré que la capture nette de CO2 était nulle. Dans la première dizaine d’années, c’est même une perte nette de carbone vers l’atmosphère qui a été mesurée ! Les chercheurs ayant comparé les parcelles expérimentales à des parcelles de contrôle avec végétation d’origine. Mais comment cela peut-il s’expliquer ?
« Les gouvernements nationaux et internationaux se sont engagés à planter un grand nombre d’arbres pour atténuer le changement climatique, sur la base de la logique simple que les arbres éliminent le carbone de l’atmosphère et l’enferment dans leur biomasse » rappelle Nina Friggens, auteure principale de l’étude. « Cependant, les arbres interagissent également avec le carbone dans le sol, où l’on en trouve beaucoup plus que dans les plantes ».
C’est là tout le cœur du sujet. Même si les arbres ont stocké du carbone, leur présence a aussi induit un déstockage de celui présent dans le sol. Au bout de 40 ans, les deux flux se sont approximativement compensés avec une capture nette en CO2 proche de zéro.
« Nos travaux montrent que les emplacements de plantation d’arbres doivent être soigneusement situés, en tenant compte des conditions du sol » souligne Ruth Mitchell, co-auteure du papier. « Sinon la plantation d’arbres n’entraînera pas l’augmentation souhaitée du stockage de carbone et l’atténuation du changement climatique ».
Enfin, notons que les résultats obtenus ne sont pas simplement représentatifs de l’Écosse mais également de vastes zones situées au nord des forêts boréales. En conclusion, même s’ils ont indéniablement de nombreuses vertus, planter des arbres n’est pas toujours la meilleure stratégie à adopter. Toute mesure devant être réfléchie dans la durée et en fonction du contexte géophysique et socio-économique local.