Sur des planètes recouvertes d’eau, la vie aurait du mal à émerger

Crédits : iStock

Une récente étude suggère qu’une planète recouverte d’océans pourrait être privée de phosphore, un nutriment sans lequel la vie terrestre ne peut prospérer. D’autres travaux concluent qu’une planète submergée dans une eau encore plus profonde serait géologiquement morte, dépourvue de tout processus planétaire qui nourrit la vie sur Terre.

Sur Terre, impossible de dissocier l’émergence de la vie avec la présence de l’eau. Mais l’eau doit-elle être présente dans une certaine mesure ? Bien que les mondes aquatiques, qui pullulent dans l’Univers, soient inondés de l’un des ingrédients clés de la vie, ils ne sont en effet peut-être pas les meilleurs endroits pour trouver « la vie ». Tessa Fisher et son équipe, de l’Arizona State University à Tempe, ont présenté cette idée contre-intuitive la semaine dernière lors de la conférence « Habitable Worlds » tenue à Laramie, dans le Wyoming. Ces recherches montrent qu’une planète imbibée d’eau pourrait être privée de phosphore — un composant majeur de l’ADN et d’autres molécules importantes.

Contrairement à d’autres nutriments essentiels au développement du vivant, le phosphore, lui, est plus difficile à trouver, principalement enfermé dans des roches, de sorte qu’il ne devient accessible que lorsque la pluie éclabousse ces roches, obligeant le phosphore à se dissoudre dans l’eau. Bien que l’eau de pluie soit très efficace pour dissoudre le phosphore, l’eau de mer ne l’est pas. Et c’est un problème pour les mondes entièrement recouverts de mers salées. Sans terre exposée, il y aurait en effet beaucoup moins de phosphore disponible pour la vie naissante. Les chercheurs estiment ici que ces mondes auront trois à quatre fois moins de phosphore dans leurs océans que ceux avec des terres exposées.

Mais ce n’est pas tout. Non seulement ces nouveaux travaux suggèrent que la vie sur de tels mondes ne pourrait évoluer, mais il est également très peu probable que, par chance, si la vie s’installe, les astronomes puissent la détecter. Selon les estimations des chercheurs, celle-ci ne libérerait en effet qu’un dixième de la quantité d’oxygène actuellement disponible dans l’atmosphère terrestre ; beaucoup trop bas pour être détectable. Ainsi, à la lumière de ces résultats, les astronomes qui s’efforcent à trouver de la vie au-delà du Système solaire pourraient vouloir diriger leurs télescopes vers d’autres mondes. Ceux-ci pourraient en effet commencer à ne plus se focaliser sur « l’habitabilité » d’une planète, mais sur la « détectabilité » de la vie éventuellement présente.

Cayman Unterborn, géologue de l’État d’Arizona, explique également dans la revue Nature que les planètes les plus inondées se heurteraient à des problèmes d’une autre nature. Le chercheur a en effet découvert que sur une planète abritant une quantité d’eau équivalente à 50 océans terrestres, le simple poids de tout ce liquide exercerait une telle pression sur le fond de la mer que l’intérieur de la planète ne pourrait pas « fondre ». Les planètes ont en effet besoin d’une certaine fusion interne pour soutenir l’activité géologique, telle que la tectonique des plaques, et pour fournir le bon environnement géochimique pour la vie. En d’autres termes, le fait d’avoir trop d’eau empêcherait toute activité géologique nécessaire au bon développement de la vie.

Les astronomes ont à ce jour pu répertorier des milliers d’exoplanètes, dont plus d’une douzaine sont potentiellement habitables. La plus récente, dont la découverte a été annoncée le 15 novembre dernier, est Ross 128b, que vous retrouverez à seulement 11 années-lumière de la Terre. Ce monde ressemble à ce que les scientifiques recherchent depuis des décennies : une planète de la taille de la Terre en orbite autour d’une étoile proche, probablement à la bonne distance pour permettre la présence d’eau liquide. Pour Elizabeth Tasker en revanche, astronome à l’Institut des sciences spatiales et aéronautiques de Sagamihara, de l’Agence japonaise d’exploration aérospatiale, « les métriques habituelles utilisées pour classer un monde habitable, comme sa position par rapport à son étoile ou à quel point il ressemble à la Terre, sont erronées », peut-on lire dans la revue Nature.

La chercheuse propose ici de plutôt cibler des planètes qui, comme la Terre, présentent un mélange d’océan et de terres émergées. « L’habitabilité ne consiste pas seulement à trouver la signature d’une forme de vie extraterrestre en prenant une grande respiration », explique-t-elle. « La géologie et la chimie d’une planète s’interconnectent également pour créer un environnement accueillant, ou hostile ».

Source