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Le plan audacieux pour sauver Spitzer, le dernier « Grand Observatoire » de la NASA

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Crédits : NASA/JPL-Caltech/S. Stolovy (Centre scientifique Spitzer/Caltech)

Une jeune entreprise propose un plan ambitieux pour ressusciter le télescope Spitzer, à la retraite depuis plusieurs années. Que doit-on à cet incroyable observatoire et comment pourrait se dérouler une telle mission de sauvetage ?

Le dernier « Grand Observatoire »

Le télescope Spitzer est connu pour être le dernier des quatre « Grands Observatoires » de la NASA placés dans l’espace entre 1990 à 2003. Grâce à sa sensibilité infrarouge, il aura été capable d’observer des objets froids et faiblement lumineux, tels que les étoiles naissantes, les galaxies lointaines, les disques de poussière autour d’étoiles et autres planètes extrasolaires. Il aura également étudié les comètes, les astéroïdes de notre système solaire.

Une caractéristique unique du télescope Spitzer était son placement en orbite héliocentrique autour du Soleil, plutôt qu’en orbite terrestre. Cette position lui a permis d’éviter les interférences de la lumière et de la chaleur émanant de la Terre, améliorant ainsi sa capacité à détecter les objets faibles et lointains.

Dès 2009, environ sept ans après son lancement, Spitzer avait épuisé son hélium liquide permettant de refroidir ses principaux instruments. Le télescope avait cependant continué ses observations en mode « mission à chaud », ne fonctionnant alors qu’avec ses deux canaux à ondes courtes, nommés IRAC (Infrared Array Camera) et MIPS (Multiband Imaging Photometer for Spitzer).

Le premier était encore capable de capturer des images infrarouges à différentes longueurs d’onde, ce qui permettait d’étudier une variété d’objets célestes. De son côté, le canal MIPS était principalement utilisé pour étudier la poussière froide émise par les objets astronomiques, notamment les disques de poussière entourant les étoiles.

Bien qu’affaibli, Spitzer avait donc continué à collecter des données sur de nombreux sujets d’étude en exploitant les capacités restantes de ses instruments. Puis, en 2020, le télescope avait finalement pris sa retraite, les équipes de la NASA ne le jugeant plus suffisamment efficace. Depuis, il dérive sur son orbite.

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Une illustration du télescope Spitzer. Crédits : NASA

Une mission de sauvetage

A priori, il n’était donc plus question de se servir de Spitzer, d’autant que les astronomes peuvent désormais s’appuyer sur un autre grand observatoire spécialisé dans l’infrarouge : le James Webb Telescope. Malgré tout, une petite entreprise de technologie spatiale, Rhea Space Activity, propose de le ressusciter.

La société vient en effet de remporter une subvention de 250 000 dollars de l’US Space Force pour développer une mission de sauvetage. Le plan, très audacieux, est également soutenu par le Smithsonian Astrophysical Observatory, le Johns Hopkins University Applied Physics Laboratory, mais aussi par Lockheed Martin.

Cette mission, officieusement baptisée « Spitzer Resurrector », impliquerait l’envoi d’un petit vaisseau spatial capable de tenir dans une boîte de un mètre sur un mètre lancé dès 2026. Spitzer évoluant désormais à environ deux unités astronomiques de la Terre (soit deux fois la distance Terre-Soleil), il faudrait alors environ trois ans à cet engin pour atteindre le télescope, période au cours de laquelle il effectuerait des observations d’éruption solaire.

Une fois sur place, l’idée serait de se placer à une distance de 50 à 100 km de l’observatoire pour évaluer son état de santé. Ensuite, le vaisseau tenterait d’établir des communications avec le télescope et commencerait à relayer les informations aux équipes au sol dans le but de relancer les observations.

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La Nébuleuse de l’Amérique du Nord. En lumière visible, la région ressemble à l’Amérique du Nord, d’où son nom. Sous l’œil de Spitzer, en revanche, le continent disparaît. Crédits : NASA/Caltech

La tendance des services d’entretien

Pour l’heure, ce n’est encore qu’une mission sur papier. Rhea Space Activity, qui compte actuellement moins d’une dizaine d’employés, cherche encore d’autres subventions, tablant que sa mission coûtera environ 350 millions de dollars. On ignore donc si ce projet verra vraiment le jour, d’autant que l’observatoire n’est plus de première jeunesse. Vingt ans se sont en effet écoulés depuis son lancement et la mission Resurrector ne l’atteindra pas avant la fin de cette décennie.

De manière plus générale, la technologie développée par la société pourrait avoir de multiples applications pour déplacer et entretenir des satellites en orbite terrestre basse et géostationnaire. C’est d’ailleurs pour ces capacités d’entretien, d’assemblage et de fabrication dans l’espace que le ministère de la Défense américaine s’y s’intéresse (d’où la subvention).

Par ailleurs, la société n’est pas la seule à proposer ce type de services. Northrop Grumman a notamment récemment développé et lancé une série de véhicules « d’extension de mission » pour desservir les satellites en orbite géostationnaire. Nous savons également que le milliardaire Jared Issacman travaille avec SpaceX et la NASA pour utiliser un véhicule Crew Dragon afin de prolonger la durée de vie du télescope Hubble.