À la recherche des photons noirs : comment le CERN explore les mystères de la matière noire

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Crédits : Allen Janusz/istock

La matière noire, cette mystérieuse substance invisible qui compose environ 85 % de la masse de l’Univers, demeure l’un des plus grands mystères de la physique moderne. Les scientifiques savent qu’elle existe, car ils observent ses effets gravitationnels, mais elle échappe à toute détection directe, laissant un vide dans notre compréhension du cosmos. Parmi les candidats pour cette matière insaisissable, les chercheurs étudient des particules théoriques fascinantes : les photons noirs. La collaboration NA62, un groupe de chercheurs au sein du CERN, a récemment publié les résultats d’une expérience de pointe qui explore leurs propriétés.

Que sont les photons noirs ?

Les photons noirs, aussi appelés photons sombres, sont des particules hypothétiques qui partagent certaines caractéristiques avec les photons, les particules de lumière. Contrairement à ces derniers, qui interagissent facilement avec la matière et se propagent en transportant de l’énergie sous forme de lumière, les photons noirs interagiraient en revanche très faiblement avec la matière ordinaire. Cette faible interaction pourrait alors leur conférer des propriétés uniques (imaginez une sorte de cape d’invisibilité), ce qui leur permet de passer passer inaperçus.

Les photons noirs sont particulièrement intéressants dans le cadre de la recherche sur la matière noire, cette substance invisible et insaisissable qui compose la majorité de la masse de l’Univers. Pour rappel, cette matière n’émet pas de lumière et n’interagit pratiquement pas avec la matière ordinaire, mais son influence gravitationnelle est clairement observée à grande échelle dans le cosmos. Si les photons noirs existent, ils pourraient ainsi agir comme un lien entre la matière visible que nous connaissons et cette mystérieuse matière noire et jouer un rôle de médiateurs entre les deux types de matière.

En détectant des photons noirs, les scientifiques pourraient ainsi lever le voile sur l’une des questions les plus fondamentales de la cosmologie : la nature de la matière noire et de quoi est réellement composé notre Univers.

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Crédits : ArisSu/istock

Le rôle de l’expérience NA62 : une approche innovante

Détecter des photons noirs n’est pas une tâche simple, car comme dit précédemment, ces particules interagissent si faiblement avec la matière qu’elles passent littéralement inaperçues. Nous savons cependant que s’ils existent, ces photons noirs se désintègreraient en paires de particules appelées leptons après avoir parcouru une certaine distance (de quelques centimètres à plusieurs mètres).

Pour tenter de relever ce défi, le CERN, l’un des plus grands centres de physique des particules au monde, a mis en place la collaboration NA62. Traditionnellement, les expériences du CERN, comme celles menées au LHC, impliquent des collisions de protons à très haute énergie pour créer de nouvelles particules. NA62 utilise de son côté une approche différente appelée expérience à cible fixe. Dans cette configuration, un faisceau intense de protons frappe une cible fixe, générant ainsi un grand nombre de collisions qui peuvent révéler des processus rares.

Pour étudier les photons noirs, NA62 utilise un mode décharge. Cela signifie que les scientifiques retirent temporairement la cible utilisée pour les expériences classiques, ce qui permet aux protons de frapper un absorbeur, un matériau destiné à produire d’autres types de particules, dont les photons noirs. Avec cette approche, NA62 est capable d’explorer un domaine jusque-là inaccessible du spectre de particules.

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Crédit : NA62 Collaboration.

Les résultats et leurs implications

Après des mois d’analyse, les chercheurs de NA62 ont annoncé leurs résultats pour l’année 2021. Bien qu’ils n’aient pas trouvé de preuves directes de photons noirs, ils ont pu exclure certaines configurations possibles, notamment certaines combinaisons de masse et de force d’interaction de ces particules. En d’autres termes, ils ont réduit le champ des recherches en excluant certaines propriétés des photons noirs qui auraient pu expliquer leur invisibilité.

Ces résultats sont importants, car ils orientent la recherche vers des pistes plus prometteuses. De plus, les données obtenues peuvent également être réutilisées pour étudier d’autres particules théoriques, comme les axions et les leptons neutres lourds (HNL), des particules qui pourraient aussi jouer un rôle dans la compréhension de la matière noire.