Les Philippines sont devenues vendredi le premier pays au monde à approuver la production à des fins commerciales de « riz doré ». Développée par le ministère de l’Agriculture des Philippines, en partenariat avec l’Institut international de recherche sur le riz, cette céréale génétiquement modifiée visera à combattre les problèmes de malnutrition infantile.
La méfiance envers les OGM
Pour beaucoup, le rejet des OGM est instinctif. Et pour cause, le génie génétique – qui permet de modifier des parties du matériel génétique d’un organisme ou d’y insérer de nouvelles séquences d’ADN – ne va pas dans le sens de la nature.
Notre méfiance envers les OGM pourrait également venir de la manière dont ils ont été introduits en premier lieu. Nous devons ce premier pied à l’étrier au géant de l’agro-industrie Monsanto, qui a lancé sa première culture OGM au milieu des années 90 – un soja résistant aux herbicides. En ajoutant un certain gène bactérien, l’entreprise espérait créer des cultures résistantes au glyphosate, l’ingrédient actif de son herbicide RoundUp. Les agriculteurs pourraient ainsi arroser généreusement les mauvaises herbes sans tuer la plante de soja elle-même, ce qui était impossible avec les produits traditionnels.
Sur le plan commercial, ce fut un succès. Dès le début des années 2000, Monsanto devint en effet le plus grand producteur de semences génétiquement modifiées (plus de 90% des cultures). En revanche, cette main-mise de la société sur ces cultures a également contrarié les agriculteurs, qui devaient alors signer des contrats restrictifs pour utiliser les semences brevetées. De nombreux groupes environnementaux ont également commencé à tirer la sonnette d’alarme, reliant l’utilisation croissante du RoundUp avec le déclin brutal de la diversité agricole.
Finalement, les premiers OGM, qui se concentraient largement sur la résistance aux ravageurs et aux herbicides, ont eu mauvaise pub. Et une fois le sentiment du public établi, difficile de le faire évoluer.
Lutter contre les carences
Pourtant, le génie génétique pourrait également profiter directement au consommateur. La culture du riz doré, pensée dès 1982 par des chercheurs allemands et suisses, en est un exemple. Manipulée, cette céréale contient en effet des niveaux supplémentaires de bêta-carotène, que le corps convertit ensuite en vitamine A.
L’intérêt d’introduire le riz doré est donc de lutter contre la carence en vitamine A, qui entrave le bon fonctionnement du système immunitaire et de la vision. Une carence en vitamine A peut en effet entraîner la cécité et même la mort prématurée. On estime que 190 millions d’enfants dans le monde en sont affectés, principalement en Afrique et en Asie.
La céréale, on vient de le dire, n’est pas nouvelle. Toutefois, malgré toutes ses bonnes intentions, son développement a longtemps été entravé suite aux protestations d’activistes anti-OGM aux États-Unis et en Europe, qui ont à leur tour alarmé les gouvernements et les populations des pays en développement.
« La plus grande colère que j’ai probablement jamais ressentie a été lorsque des groupes anti-OGM ont détruit des champs de riz doré poussant aux Philippines« , explique au Times Mark Lynas, un écrivain et militant environnementaliste. « Voir une culture qui avait un potentiel si évident de sauver des vies ruinée – c’était comme voir des groupes antivax envahir un laboratoire et détruire un million de flacons de vaccin anti-Covid« .
Une première aux Philippines
Plus récemment, la situation a peu à peu évolué, et notamment aux Philippines. Le ministère de l’Agriculture local, en partenariat avec l’Institut international de recherche sur le riz, ont en effet développé une variété de riz doré promettant des niveaux supplémentaires de bêta-carotène. Il y a quelques jours, le pays est même devenu le premier au monde à approuver la production à des fins commerciales de cette céréale.
« C’est une étape vraiment importante pour notre projet car cela signifie que nous avons dépassé cette phase réglementaire et que le riz doré sera déclaré aussi sûr que le riz ordinaire« , a déclaré à l’AFP Russell Reinke de l’Institut international de recherche sur le riz. « La prochaine étape consiste à prélever quelques kilos de graines et à les multiplier, afin qu’elles puissent être largement disponibles« .
Malgré ces promesses, certains sont encore perplexes. Dans un récent article de blog, les chercheurs américains Dominic Glover et Glenn Stone ont notamment déclaré que l’affirmation selon laquelle le riz doré remédierait à la carence en vitamine A restait encore à prouver. Ces derniers soutiennent également que les familles touchées par ces carences dans ce pays manquent souvent de terres pour cultiver du riz pour elles-mêmes.