Des chercheurs ont observé un phénomène inattendu dans la thermosphère

Keogrammes montrant le blocage du courant-jet transpolaire le 30 janvier 2017 au-dessus de l'Alaska. Crédits : R. Itani,M. Conde, 2021.

Loin de la surface terrestre, à la frontière avec l’espace interplanétaire, le vent continue de souffler. Toutefois, l’écoulement atmosphérique y est fort différent, transportant l’air depuis la face du globe exposée au soleil vers celle située dans l’ombre. Or, des chercheurs ont fait état d’une étrange observation quant au comportement de ces vents. Leurs résultats ont été publiés dans le Journal of Geophysical Research: Space Physics.

La thermosphère est la couche d’atmosphère qui s’étend de quatre-vingt-dix à mille kilomètres d’altitude environ. Sa limite supérieure, la thermopause, varie toutefois de plusieurs centaines de kilomètres en fonction de l’activité solaire. Aussi, en période de calme stellaire, elle peut s’abaisser jusqu’à cinq cents kilomètres d’altitude seulement.

C’est dans la partie supérieure de la thermosphère que circulent les technologies spatiales à orbite basse, parmi lesquelles on trouve des satellites à visée météorologique ou climatologique. Pour assurer un suivi adéquat et limiter le risque de dérive ou de collision, des modèles thermosphériques sont utilisés pour calculer l’importance de la traînée aérodynamique, entre autres. Une bonne connaissance de la dynamique du champ de vent à ce niveau est donc indispensable.

Courant-jet transpolaire : des arrêts aussi brutaux qu’inattendus

En mesurant l’écoulement de l’air à très haute altitude en Alaska afin de mieux comprendre le régime des vents en thermosphère, des chercheurs ont fait une observation inattendue. Ils ont remarqué que le courant-jet transpolaire, un flux d’air qui souffle depuis la face éclairée de la Terre vers celle située dans l’ombre, était sujet à des arrêts abrupts dans sa propagation. Pourtant, les modèles indiquent qu’il devrait continuer à se déplacer vers les latitudes tropicales, et non freiner brutalement en sortie du domaine polaire.

thermosphère
Vent méridien (nord-sud) en fonction de la latitude magnétique (axe vertical) et de l’heure (axe horizontal) le 1er janvier 2017. Une valeur négative indique un vent soufflant du nord vers le sud. Notez comment le courant-jet transpolaire (bleu) se propage vers les basses latitudes comme le prévoient les modèles. Crédits : R. Itani & M. Conde, 2021.

Ce ralentissement inexplicable survient sur quelques centaines de kilomètres dans le sens de l’écoulement mais se produit dans une atmosphère si peu dense et éloignée de la surface qu’il n’influence pas les phénomènes météorologiques qui s’y produisent. Il peut cependant affecter la trajectoire des systèmes spatiaux de façon imprévue et potentiellement dangereuse.

Idem que précédemment, mais pour le 4 janvier 2019. Notez l’arrêt brutal du courant-jet transpolaire à la latitude de l’Alaska (ligne horizontale en pointillés) et l’absence de propagation vers les latitudes plus basses. Crédits : R. Itani & M. Conde, 2021.

« Tous les modèles informatiques montrent que ce vent s’étend jusqu’à une certaine distance vers l’équateur, puis finit par ralentir et se fondre dans le flux de fond, comme la circulation sur une autoroute », note Mark Conde, coauteur de l’étude. « Il devrait y avoir un écoulement assez fort s’étendant loin vers l’équateur, mais nous constatons qu’à certaines occasions, il se heurte à un mur au-dessus de l’Alaska ».

Thermosphère et fluctuations solaires, une relation à approfondir

Parfois, non seulement l’écoulement s’arrête, mais il rebrousse aussi chemin. Autrement dit, le courant-jet transpolaire s’écoule localement depuis le côté nuit vers le côté jour. Ces observations sont d’autant plus étonnantes que la stabilité thermique et la forte viscosité cinématique de l’air à cette altitude sont censées rendre les mouvements atmosphériques plus homogènes et inhiber toutes variations brutales comme celles rapportées ici.

Pour l’heure, le mystère n’est pas résolu, car dans leur papier, les chercheurs ont surtout voulu attirer l’attention sur ce phénomène encore largement méconnu. Les corrélations observées semblent toutefois orienter les projecteurs vers l’activité solaire à haute fréquence (de quelques heures à quelques jours) et l’activité aurorale. En effet, les auteurs font remarquer que sur les sept années de données disponibles, les arrêts ou renversements du vent surviennent préférentiellement lorsque ces dernières sont relativement faibles. Affaire à suivre !