naissance
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Peut-on se souvenir de sa naissance ?

Il y a de fortes chances que votre premier souvenir remonte à votre troisième ou quatrième anniversaire (et encore). Nous devons cette incapacité de la plupart des adultes à se souvenir d’événements plus précoces, y compris leur naissance, à l’amnésie infantile. Comment expliquer ce phénomène ?

Mémoire implicite et épisodique

Distinguons tout d’abord ces deux types de mémoire. Logée dans le cervelet, la mémoire implicite est souvent considérée comme « primitive », car basée sur des mécanismes automatiques et inconscients. Elle est essentielle pour les nouveau-nés, notamment en leur permettant d’associer des sentiments de sécurité au son de la voix de leur mère, ou encore de savoir instinctivement comment se nourrir. Des études ont également révélé peu de changements dans ce type de mémoire à mesure que nous vieillissons. Même dans de nombreux cas d’amnésie chez l’adulte, certaines compétences implicites, telles que faire du vélo, subsistent.

D’un autre côté, la mémoire épisodique ou autobiographique est un type de mémoire à long terme qui nous permet de nous rappeler des événements et des expériences de notre passé personnel. La formation de ces souvenirs est un processus complexe qui implique trois étapes principales :

  • L’encodage. Il s’agit du processus par lequel l’information est captée par les sens et transformée en une forme qui peut être stockée dans le cerveau. L’encodage peut se produire de plusieurs façons, notamment par l’association avec des informations existantes, la répétition, la mise en contexte et l’utilisation de techniques de mémorisation.
  • La consolidation. Les souvenirs sont ensuite stockés à long terme dans le cerveau. Cette seconde étape peut prendre des minutes, des heures ou des jours, et implique des changements physiques et chimiques dans le cerveau qui renforcent les connexions neuronales associées aux souvenirs.
  • La récupération est le processus par lequel les souvenirs stockés dans le cerveau sont rappelés et utilisés. Elle peut être influencée par de nombreux facteurs, tels que le contexte, l’état émotionnel, l’attention et la répétition.

Les bébés en sont capables dans une certaine mesure

On a longtemps pensé que les bébés ne pouvaient pas encoder les informations qui constituent le fondement des souvenirs. Des études ont depuis réfuté cette idée, suggérant que cette capacité d’encodage doit probablement s’accélérer progressivement avec le temps, plutôt que d’apparaître soudainement vers l’âge de trois ans.

Ce codage de la mémoire pourrait être lié au développement du cortex préfrontal du bébé au niveau du front. Cette zone qui est active lors de l’encodage et de la récupération des souvenirs explicites n’est pas totalement fonctionnelle à la naissance. Elle le devient ensuite progressivement jusqu’à l’âge d’environ 24 mois. Après ce laps de temps, le nombre de synapses dans le cortex préfrontal atteint les niveaux adultes.

Par ailleurs, nous savons que la taille de l’hippocampe (qui détermine les informations sensorielles à transférer dans le stockage à long terme) augmente aussi régulièrement jusqu’à la deuxième ou troisième année.

peux-ton se souvenir de notre naissance ?
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Cerveau immature

Nous savons ainsi que les bébés ont une forte mémoire implicite et peuvent également encoder des mémoires explicites dans une certaine mesure. Comment expliquer alors cette amnésie infantile nous empêchant de nous rappeler de nos premiers souvenirs ?

La principale hypothèse est que si nous pouvons effectivement progressivement encoder des souvenirs à long terme, notre cerveau n’est tout simplement pas encore assez mature à la naissance pour atteindre cette capacité. Ce n’est qu’au bout de quelques années (autour de l’âge de cinq ou six ans) que notre mémoire épisodique se structure véritablement. Nos capacités s’améliorent ensuite jusqu’à l’adolescence.

Il est également possible que nos premiers souvenirs soient bloqués parce que nous n’avons aucune compétence linguistique à ce moment-là. Une étude menée en 2004 avait retracé le développement verbal chez les garçons et les filles de 27 et 39 mois comme mesure de leur capacité à se souvenir d’un événement passé. Les chercheurs avaient alors constaté que si les enfants ne connaissaient pas les mots pour décrire l’événement lorsqu’il s’était produit, ils ne pouvaient pas le décrire plus tard après avoir appris les mots appropriés.

Ainsi pour conclure, il nous est donc impossible de nous rappeler de notre naissance. Mais alors comment expliquer l’impression ressentie par certains adultes de se rappeler d’événements aussi précoces ?

Ces souvenirs supposés sont en réalité trompeurs, relevant principalement du « roman familial » : la vie d’une famille est remplie d’événements, souvent maintes fois racontés aux enfants, au point qu’on a l’impression de s’en souvenir. En réalité, le récit seul permet de reconstruire ces informations et de se les approprier. Autrement dit, ces personnes pourraient simplement ne répéter que des histoires contées par les autres.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.