C’est le peuple, et non la science, qui décide quand une pandémie est terminée

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En décembre 1918, à Seattle, les forces de l'ordre équipées de masques. Source : Domaine public

Toutes les pandémies se terminent un jour. Officiellement, c’est à l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) que reviendra la tâche délicate de déclarer la fin de la crise sanitaire liée à la Covid-19. Officieusement, signer la fin de la pandémie relèvera néanmoins davantage de la sociologie que de l’épidémiologie selon certains experts.

Alors que le monde vient de « célébrer » le deuxième anniversaire de pandémie de Covid-19, la situation semble enfin aller dans le bon sens. Si certains pays, comme la Chine, font de nouveau face à une remontée des cas de contamination, et si l’Organisation mondiale de la Santé maintient toujours la pression, les cas et les décès de Covid connaissent une baisse soutenue dans une grande partie du monde. On estime par ailleurs que de nombreuses personnes ont acquis une certaine immunité contre le SARS-CoV-2.

En conséquence, les mesures de restriction sont progressivement levées. C’est notamment le cas en France, avec la fin au port du masque obligatoire en intérieur et la suspension du pass vaccinal depuis ce lundi 14 mars 2022.

Une pandémie se termine « lorsque les gens cessent d’y prêter attention« 

Bien que le virus soit susceptible de toujours circuler à un certain niveau, certaines personnes (pas toutes) croient de plus en plus en la fin de la pandémie. Or, cette pensée pourrait finalement se répandre dans l’inconscient collectif. « Je crois que les pandémies se terminent en partie parce que les humains les déclarent terminées« , souligne en effet Marion Dorsey, de l’Université du New Hampshire, spécialiste des pandémies passées, à Scientific Amercian.

Bien sûr, la chercheuse rappelle qu’il existe une composante épidémiologique, caractérisée par le point auquel une maladie circule toujours, mais ne provoque plus de pics majeurs de maladie grave ou de décès. Dès lors, la maladie n’est plus pandémique, mais devient endémique. Toutefois, pour des raisons pratiques, la question de savoir quand cette transition se produit dépend en grande partie du comportement humain.

« Chaque fois que les gens entrent dans les magasins sans masque ou même simplement entrent dans les magasins pour le plaisir, ils indiquent qu’ils pensent que la pandémie se termine ou est terminée« , poursuit-elle. Qu’il y ait ou non une déclaration officielle quelconque, « je ne pense pas que quoi que ce soit ait vraiment un sens jusqu’à ce qu’en tant que société, nous agissions comme si c’était le cas« .

L’auteur et historien John M. Barry, spécialiste de la pandémie de grippe de 1918, est du même avis. Une pandémie se termine « lorsque les gens cessent d’y prêter attention« , explique-t-il à SA. « Bien que les vaccins et les traitements soient encore hors de portée pour de nombreuses personnes dans le monde, je pense que le public est de plus en plus fatigué des restrictions« . Il avertit toutefois d’un certain danger à vouloir aller trop vite.

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Un camp de l’US Army Camp à Aix-Les-Bains (France) pendant la pandémie de grippe « espagnole » en 1918. Crédits : Domaine public/Wikipédia

Ne pas vendre la peau de l’ours

À l’origine de la mort d’au moins cinquante millions de personnes, la pandémie de 1918 est souvent décrite comme ayant connu trois vagues essuyées entre 1918 et 1919. Le spécialiste rappelle cependant qu’un nouveau variant est apparu en 1920, entraînant progressivement une quatrième vague, tuant plus de personnes dans certaines villes que la seconde. En 1921, le nombre de décès dus à la grippe est finalement revenu aux niveaux prépandémiques. Puis l’agent pathogène (un virus de la grippe H1N1) a évolué pour devenir moins virulent.

Le variant Omicron du SARS-CoV-2 semble également provoquer une maladie plus bénigne, mais aucune loi de la nature ne dit qu’un virus doit toujours évoluer pour devenir moins virulent. Il est en effet tout à fait possible qu’un futur variant aussi transmissible qu’Omicron et beaucoup plus virulent se déclare dans quelques mois. Sur ce point, John M. Barry reste néanmoins prudemment optimiste. « Je pense qu’il est plus probable qu’improbable que les futurs variants ne seront pas pires« , dit-il.

Attention détournée

Un autre facteur ayant aidé la pandémie de 1918 à disparaître de la conscience publique est qu’elle a coïncidé avec la fin de la Première Guerre mondiale, qui a alors absorbé une grande partie de l’attention des médias à l’époque, même si par la suite, d’autres maladies telles que la poliomyélite ont commencé à de nouveau attirer l’attention. Bien qu’il soit impossible d’établir un parallèle direct avec 1918, de nos jours, le conflit en Ukraine pourrait jouer un rôle similaire, précipitant finalement la disparition de la pandémie dans l’inconscient de nombreuses personnes.

La récupération pourrait cependant prendre plusieurs années et pour certains, cette maladie marquera à jamais les esprits. De nombreuses personnes orphelines de parents ou de proches ne pourront en effet évidemment jamais passer à autre chose. La situation sera également compliquée pour les légions de travailleurs de la santé témoins d’un nombre inimaginable de morts et de souffrances liées à la maladie.