Dernièrement, plusieurs études ont traité de la peste noire qui a ravagé l’Europe dans le milieu du XIVe siècle. Toutefois, la question de savoir si cette terrible pandémie a généré ou non une modification du génome humain suscite des débats interminables au sein de la communauté scientifique.
Deux points de vue opposés
Le terme peste noire (ou mort noire) concerne une pandémie de peste bubonique dans la majorité des cas qui a touché le monde entre 1347 et 1352. Selon les sources, cette pandémie a engendré pas moins de 200 millions de morts à travers le monde, dont environ 25 millions en Europe, soit entre 30 et 60 % de la population du continent. Les experts s’accordent pour qualifier la peste noire de pandémie la plus meurtrière et surtout de plus grande catastrophe démographique de l’histoire de l’humanité.
En 2022, un article publié par la revue Nature évoquait des variations génétiques chez les personnes qui avaient survécu à la peste noire. Ces variations les auraient protégées de la maladie. Toutefois, d’autres travaux pilotés par l’Institut Alan Turing (Royaume-Uni) et publiés le 17 janvier 2024 dans la revue Science Advances contredisent les précédentes recherches. Le même jour, le journaliste biomédical britannique Ewen Callaway publiait un article également dans la revue Nature afin de mettre en opposition les deux points de vue.
Il faut savoir que des traces d’épidémies anciennes se trouvent au sein du génome humain. Or, certains variants génétiques transmis aux générations suivantes ont effectivement aidé nos ancêtres à survivre à des maladies. Néanmoins, il est bien plus difficile d’attribuer chacun des variants à une épidémie particulière ayant impacté l’humanité à différents moments dans l’Histoire. Le processus se construit en effet sur plusieurs générations. De plus, les scientifiques d’aujourd’hui disposent de très peu de génomes humains anciens. Autrement dit, définir l’influence d’une seule maladie sur le génome humain dans son ensemble est loin d’être chose aisée.

Crédits : BALaT / Wikipedia
Une question sans réponse ?
Dans le cadre de l’étude de 2022 qui intégrait l’analyse de génomes anciens d’Anglais et de Danois vivant à Londres, 200 variants génétiques immunitaires courants auraient été identifiés chez les survivants de la peste noire qui étaient par ailleurs très peu présents chez les victimes. Les auteurs de l’étude ont confirmé la présence des variants dans le gène ERAP2 qui aurait aidé les cellules immunitaires à contrôler la bactérie Yersinia pestis à l’origine de la peste noire.
Pour ce qui est de l’étude la plus récente, les scientifiques de l’institut Alan Turing disent avoir ciblé leurs recherches sur la population de la ville de Cambridge et ses alentours, à une centaine de kilomètres de Londres. Or, cela leur a permis d’affirmer que certains variants immunitaires de Londres mis en avant dans la première étude apparaissent très peu à Cambridge. De plus, certains variants communs à Cambridge étaient beaucoup moins courants à Londres.
En définitive, tout serait une question de temporalité et d’interprétation, puisqu’il est peu probable qu’une seule épidémie fasse beaucoup de différence. En revanche, plusieurs épidémies et pandémies répétées pourraient éventuellement permettre de définir plus clairement toute modification du génome humain. Et quand bien même, il est fort possible qu’aucune explication ne puisse satisfaire l’ensemble de la communauté scientifique.
