Par le passé, des études ont déjà démontré que les personnes qui souffrent de troubles obsessionnels compulsifs (ou TOC) ont plus de risques de mourir plus jeunes par rapport au reste de la population. Même si elles avaient révélé des taux de suicide élevés, cela n’expliquait toutefois qu’en partie ces décès prématurés. Ces travaux antérieurs n’avaient par ailleurs jusqu’ici jamais précisément défini les causes spécifiques de ces décès chez cette population. Cette nouvelle étude a néanmoins enfin permis de combler cette lacune.
Qu’est-ce qu’un TOC ?
Peu connus et mal compris, les troubles obsessionnels compulsifs touchent pourtant 2 à 3 % de la population générale, s’imposant ainsi comme la quatrième maladie psychiatrique la plus courante après les phobies, les addictions et les troubles dépressifs. Caractéristique de la névrose obsessionnelle, ce trouble se caractérise par des pensées intrusives et répétitives qui plongent les patients dans un état de forte anxiété. Ces obsessions peuvent notamment inclure des craintes de contamination, des doutes constants, des images et pensées indésirables et la phobie d’impulsion (telle que la peur d’avoir comportement compulsif agressif, immoral ou absurde). Dans tous les cas, elles sont très mal vécues par les sujets atteints.
Pour faire face à cette détresse, ils ont alors recours à des comportements répétitifs. Les rituels compulsifs effectués visent justement à neutraliser le stress intense et peuvent aller du nettoyage excessif au comptage compulsif en passant par des vérifications incessantes ainsi que des rites conjuratoires par exemple.

Une prise en charge possible
Il est possible de bénéficier du suivi avec un psychologue et/ou un psychiatre, ainsi que de traitements incluant notamment la thérapie cognitivo-comportementale (TCC) et, dans certains cas, des médicaments. Une bonne prise en charge permet en effet de comprendre l’origine des TOC, de modifier les schémas cognitifs et comportementaux associés et, à la longue, d’atténuer leur impact sur la qualité de vie des personnes touchées. Reste que ces comportements perturbent fortement la vie quotidienne des patients qui peuvent en parallèle également être touchés par un trouble anxieux généralisé, une dépression, des troubles bipolaires ou encore des troubles du comportement alimentaire (TCA), et voir leurs idées parasites et ruminations grandement majorées en période de stress ou de bouleversement émotionnel.
À tout cela s’ajoute la perspective d’une longévité raccourcie par rapport au reste de la population. De nombreuses études démontrent en effet que les personnes qui souffrent du trouble de la personnalité obsessionnelle compulsive ont tendance à mourir plus tôt que les autres. Toutefois, outre le suicide, peu d’études avaient jusqu’ici su expliquer ce phénomène. Relayés par The Conversation, des travaux du Karolinska Institute, en Suède, ont néanmoins réussi à combler cette lacune.

Cette espérance de vie plus courte, enfin clarifiée
Comme l’explique Lorena Fernàndez de la Cruz, chercheuse clinique en psychiatrie au Karolinska Institute et autrice principale de l’étude, la recherche s’appuie « sur les registres de population suédois, lesquels incluent des données administratives et de santé pour l’ensemble de la population du pays. Grâce à ces registres, nous avons pu comparer un groupe de 61 378 individus diagnostiqués comme souffrant de TOC avec 613 780 personnes non atteintes par cette pathologie », le tout pour une période qui s’étale sur une quarantaine d’années.
Dans leurs conclusions, les scientifiques estiment notamment que les patients atteints de TOC meurent en moyenne à 69 ans, avec un risque de décès accru de 82 % dans ce groupe pour la période couverte. Pour aller plus loin, les chercheurs font la distinction entre les décès pour causes naturelles (avec dans ce cas un risque augmenté de 31 %) et causes non naturelles (risque grimpant de 230 %).
Les causes non naturelles surpassent les causes naturelles
Les causes naturelles auxquelles auxquelles ces patients sont davantage exposés que le reste de la population regroupent ici les maladies pulmonaires (73 %), les troubles mentaux et comportementaux (58 %), les affections des tractus urinaires et génitaux (55 %), les maladies endocrines, métaboliques et d’origine nutritionnelle (47 %), les pathologies liées aux vaisseaux sanguins (33 %), le système nerveux (21 %) et le système digestif (20 %). Les personnes souffrant de TOC semblaient ainsi plus à risque face à ces pathologies.
Comme le souligne la scientifique, « ces résultats ne semblent pas particulièrement positifs pour les personnes souffrant de TOC. Cependant, il est important de noter qu’au sein du groupe étudié la proportion de personnes décédées de chacune des causes citées précédemment était relativement faible, même si par rapport au groupe ne souffrant pas de TOC, cela se traduit par un risque plus élevé ». Et si 1,8 % des personnes non souffrant de TOC sont décédées à cause de ces maladies, cela s’élève en revanche à 2,5 % pour ceux atteints.
Néanmoins, l’écart se creuse surtout sur le nombre significativement plus élevé de morts prématurées liées à des causes non naturelles. Comme le précise justement Lorena Fernàndez, « parmi les causes de mort non naturelle, le principal contributeur à cette mortalité accrue s’est avéré être le suicide. Le risque de suicide est en effet cinq fois plus élevé chez les personnes atteintes de TOC que chez les autres. Les personnes avec TOC ont par ailleurs un risque 92 % plus élevé de mourir dans un accident, notamment dans des accidents de la route ou suite à des chutes ».
Des recherches avec un objectif clair
Ces travaux n’avaient cependant pas vocation à effrayer, mais plutôt à alerter les patients sur ces risques. Pour la chercheuse, « cela peut les motiver à modifier leurs comportements, en les incitant par exemple à faire davantage d’exercice et à adopter une alimentation plus saine, des pratiques qui peuvent jouer un rôle dans la prévention de ces maladies et des décès prématurés qui y sont associés ».