Le 31 juillet 2024 marque un tournant significatif dans le domaine de l’exploration spatiale militaire des États-Unis. United Launch Alliance (ULA) vient en effet d’opérer son dernier lancement d’une charge utile militaire américaine à l’aide de la fusée Atlas V, mettant ainsi fin à une ère de dépendance envers les moteurs de fusée russes. Ce lancement historique, le 101e de l’Atlas V et le dernier à servir les besoins de sécurité nationale des États-Unis, symbolise un changement majeur dans la manière dont le Pentagone aborde les technologies spatiales et les relations internationales.
La fin d’une collaboration internationale complexe
Le lancement de la fusée Atlas V de United Launch Alliance (ULA) a eu lieu depuis la base spatiale de Cap Canaveral en Floride le matin du 31 juillet. Propulsée par un moteur RD-180 de fabrication russe, la fusée a également utilisé cinq propulseurs à propergol solide, sa configuration la plus puissante. La mission, nommée USSF-51, visait à placer une charge utile militaire hautement classifiée sur une orbite géostationnaire, une tâche accomplie avec succès environ sept heures après le décollage.
La fin de l’utilisation des moteurs RD-180 par le Pentagone représente non seulement une étape marquante pour le programme Atlas V, mais aussi une rupture avec une politique établie dans les années 1990.
Après la chute de l’Union soviétique, les États-Unis avaient décidé d’acheter des moteurs de fusée russes pour leurs propres lanceurs dans un esprit de coopération internationale. Ce choix avait été dicté par un double objectif : soutenir l’industrie aérospatiale russe tout en évitant que des technologies sensibles ne tombent entre les mains de pays considérés comme des menaces, comme l’Iran ou la Corée du Nord.
Cependant, cette coopération est devenue problématique avec l’évolution des relations internationales. La dépendance des moteurs russes, bien que bénéfique dans un premier temps pour le développement des lanceurs Atlas V et Delta IV, a soulevé des questions de sécurité nationale et de souveraineté technologique.
La politique américaine a changé à mesure que les tensions avec la Russie se sont intensifiées, notamment après l’annexion de la Crimée en 2014 et les sanctions qui en ont résulté. Le conflit en Ukraine et les sanctions économiques ont marqué le début de la fin pour l’usage des moteurs russes dans les lancements militaires américains.

Un nouveau chapitre pour ULA impulsé par SpaceX
Avec la fin des lancements d’Atlas V pour des charges utiles militaires, ULA met donc fin à une époque où ses technologies spatiales étaient partiellement dépendantes des moteurs russes. Cette décision marque une étape importante dans le renforcement de l’autonomie des États-Unis en matière de lancement spatial.
Ce changement n’est pas seulement le résultat de tensions géopolitiques croissantes, mais aussi d’une dynamique industrielle plus large. L’entrée en scène de SpaceX a joué un rôle crucial dans cette transition. Fondée en 2002, cette société a en effet rapidement émergé comme un acteur clé dans l’industrie spatiale américaine en défiant le monopole d’ULA sur les missions de sécurité nationale. Le procès intenté par la société en 2014, qui contestait l’attribution exclusive de contrats à ULA, avait en effet mis en lumière les failles dans le système de lancement existant, poussant ULA à réévaluer ses pratiques.
Face à la concurrence agressive de SpaceX et à la nécessité de répondre aux nouvelles exigences du marché, ULA a donc accéléré le développement du Vulcan Centaur, un lanceur qui intègre des technologies nationales et ne dépend plus des moteurs RD-180 russes. Ce bouleversement dans l’industrie spatiale illustre comment la compétition peut catalyser le changement et l’innovation. Avec ses succès répétés et sa capacité à réduire les coûts de lancement, SpaceX a donc non seulement challengé ULA, mais aussi forcé le secteur à s’adapter.