Le Pentagone a-t-il abattu un ballon radioamateur inoffensif ?

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Crédits : Robert Heron

Début février, un avion de chasse américain s’est illustré en pulvérisant un ballon-espion chinois au large de la Caroline du Sud. Au cours des jours suivants, trois autres objets volants non identifiés ont été abattus au-dessus de l’Alaska, du Yukon et du lac Huron. Des preuves suggèrent que celui dérivant le ciel du Yukon était peut-être un « pico ballon », un petit ballon utilisé par des étudiants pour explorer l’atmosphère.

Silence radio

Exploité par le groupe de radio amateur de la Northern Illinois Bottlecap Balloon Brigade, un ballon de 80 cm de large appelé « K9YO-15 » avait été lancé depuis une réserve naturelle au nord de Chicago en octobre 2022. Il transportait une petite charge utile de seulement dix grammes comprenant un tracker radio, un panneau solaire et un fil d’antenne.

Quelque 123 jours plus tard, le 11 février dernier, les étudiants ont finalement perdu le contact avec leur ballon, alors que celui-ci poursuivait un septième tour de la planète au niveau de la frontière de l’Alaska avec le Yukon. Le même jour, nous savons qu’un avion de chasse américain F-22 abattait un OVNI dans le même espace. Depuis, K9YO-15 n’a plus donné de nouvelles.

Concernant ces trois fameux objets non identifiés, rien ne laissait penser qu’il s’agissait d’un autre ballon-espion chinois. Pour les services de renseignement américains, il s’agissait probablement de simples ballons de loisir ou liés à des entreprises privées. Malgré tout, le Président Biden a déclaré avoir donné l’ordre de les détruire en raison des possibles dangers pour le trafic aérien commercial civil, mais aussi, et surtout parce que les autorités américaines, dans le doute, ne pouvaient exclure le risque de surveillance d’installations sensibles.

Des centaines de pico-ballons dans le ciel

La Federal Aviation Administration, qui gère le trafic aérien aux États-Unis, dispose déjà d’une réglementation permettant aux opérateurs d’effectuer des vols en ballon libre sans pilote. Celle-ci exige par exemple qu’un ballon soit équipé de manière à pouvoir être suivi par radar et que son opérateur avertisse la FAA avant et au moment du lancement. De plus, l’opérateur doit surveiller et enregistrer la trajectoire du ballon, faire des comptes rendus de position et informer la FAA du moment et de la trajectoire prévue de la descente du ballon.

Ces règles sont surtout essentielles pour assurer le fonctionnement des ballons à haute altitude. Ces derniers jouent un rôle essentiel dans la collecte de données en temps réel pour les prévisions météorologiques et la surveillance du climat. On estime que près de 1 000 de ces ballons météo décollent chaque jour dans le monde. Ces ballons s’envolent, recueillent des données pendant quelques heures, puis explosent en haute altitude. Les charges utiles qu’ils transportent sont ensuite récupérées grâce à des parachutes.

En ce qui concerne les pico-ballons, on estime que les organisations étudiantes et autres groupes de radio amateur du monde entier en lancent au moins quelques centaines chaque année, la plupart depuis l’Europe et les États-Unis. Ces ballons sont cependant plus difficiles à suivre pour les autorités. Cela tient aussi du fait que jusqu’à présent, on ne leur accordait que peu d’attention.

Dans ses remarques, le Président Biden a néanmoins appelé à des « règles plus précises » sur la façon dont les États-Unis traiteront ces « objets non identifiés » à l’avenir.

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Un pico-ballon. Crédits : Picoballoon Project

Un « loisir » menacé ?

Faire la distinction entre tous ces objets ne sera pas simple, d’autant que ces pico-ballons, bien que petits et très légers, peuvent rester en l’air suffisamment longtemps pour faire plusieurs fois le tour de la Terre en passant potentiellement au-dessus de sites sensibles.

En l’absence de réglementations plus strictes, il incombe pour l’instant aux amateurs d’empêcher d’une manière ou d’une autre leurs ballons de dériver dans ces espaces aériens non autorisés ou bien au moins de s’assurer que les organisations gouvernementales concernées soient au fait des trajectoires de vol pour éviter toute confusion.

Reste à savoir si cette future « hypervigilance » sera compatible avec les vols de ces ballons inoffensifs. Une réglementation excessive pourrait en effet devenir trop onéreuse pour les groupes à petits budgets, à savoir les collégiens, lycéens et étudiants, et donc décourager d’éventuels projets.