Crédits : Максим Шмаков/Istock

Pendant que vous triez vos déchets, 28 «bombes carbone» ont été amorcées depuis 2021

Alors que les citoyens du monde entier s’efforcent de réduire leur empreinte carbone, qu’ils renoncent à la voiture, limitent leur consommation de viande et investissent dans des panneaux solaires, un rapport publié lundi par plusieurs ONG révèle une réalité glaçante : depuis 2021, vingt-huit méga-projets d’extraction d’énergies fossiles ont été lancés dans le monde. Chacun d’eux générera plus d’un milliard de tonnes de CO2. Bienvenue dans l’ère des bombes carbone.

Des projets aux dimensions apocalyptiques

Le terme peut sembler dramatique, pourtant il décrit précisément la réalité. Les bombes carbone désignent des projets d’extraction de pétrole, de gaz ou de charbon dont les émissions potentielles dépassent le milliard de tonnes de CO2 sur leur durée de vie. Cette définition, établie en 2022 dans une publication scientifique, permet de quantifier l’impact climatique de ces infrastructures colossales.

Le nouveau décompte réalisé par un consortium d’ONG (Lingo, Data for Good, Reclaim Finance, Éclaircies) recense désormais 601 projets de ce type à travers le monde, dont 365 conservent un potentiel d’émissions supérieur à un milliard de tonnes. Les autres ont été partiellement consommés ou réévalués à la baisse. Cette comptabilité repose sur l’analyse minutieuse de bases de données des secteurs énergétiques et financiers.

Mais ce n’est pas tout. Au-delà de ces géants, les organisations ont également identifié plus de 2300 projets d’extraction plus modestes, approuvés ou lancés depuis 2021, dont chacun générera tout de même plus de 5 millions de tonnes de CO2. Pour mettre ce chiffre en perspective, il équivaut aux émissions annuelles d’une ville comme Paris, relève Le Figaro.

Une géographie de l’irresponsabilité climatique

La répartition géographique de ces bombes carbone dessine une carte inquiétante. La Chine arrive largement en tête avec 43% de ces projets sur son territoire, suivie par la Russie qui en concentre 9%, et les États-Unis avec 5%. Ces trois puissances mondiales portent donc une responsabilité écrasante dans l’expansion continue de l’extraction fossile.

Parmi les acteurs industriels, les compagnies pétrolières occidentales se distinguent par le nombre de projets qu’elles pilotent, tandis que Saudi Aramco et le géant chinois CHN Energy détiennent les projets aux émissions potentielles les plus massives.

extraction pétrole
Crédits : Crstrbrt / iStock

Un budget carbone pulvérisé

Les calculs effectués par les auteurs du rapport révèlent l’ampleur catastrophique de cette expansion. Les émissions potentielles cumulées de l’ensemble de ces projets dépassent de onze fois le budget carbone mondial restant pour maintenir le réchauffement climatique sous la barre des 1,5°C par rapport à l’ère préindustrielle.

Cet objectif, inscrit dans l’accord de Paris de 2015, semblait déjà ambitieux. Aujourd’hui, les climatologues s’accordent à dire qu’il sera très probablement dépassé dès cette décennie. Les chiffres publiés lundi expliquent pourquoi : tant que de nouveaux projets d’extraction continuent d’émerger, toute stratégie de limitation du réchauffement devient mathématiquement impossible.

Le paradoxe de l’après-2021

L’année 2021 constitue pourtant un tournant symbolique dans l’histoire climatique. C’est précisément ce moment que l’Agence internationale de l’énergie a choisi pour déclarer publiquement que lancer de nouveaux projets pétroliers ou gaziers était incompatible avec l’accord de Paris. Deux ans plus tard, lors de la COP28, les pays du monde entier ont officiellement acté leur engagement vers une sortie progressive des énergies fossiles.

Or, c’est exactement depuis 2021 que 28 nouvelles bombes carbone ont vu le jour. Seules 12 ont été annulées durant cette période. Le contraste entre les déclarations d’intention et la réalité du terrain ne pourrait être plus saisissant.

Le rôle trouble de la finance mondiale

Derrière ces projets se dessine l’ombre du système financier international. Entre 2021 et 2024, les 65 plus grandes banques mondiales ont injecté plus de 1600 milliards de dollars dans les entreprises impliquées dans ces projets d’extraction. Un montant colossal qui finance directement la destruction des équilibres climatiques.

Pour Lou Welgryn, de Data for Good, le constat est sans appel : l’industrie fossile et ses financeurs sont en train de réduire en cendres l’accord de Paris. Pendant que les gouvernements multiplient les sommets climatiques et les engagements solennels, les flux financiers continuent d’alimenter l’extraction massive d’hydrocarbures, rendant chaque jour plus illusoire la possibilité d’un avenir climatique vivable.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.