Un patient incapable de faire le moindre geste a récemment été capable de communiquer avec sa famille en tapant des phrases courtes sur un clavier avec la simple force de son esprit. Ces résultats, rendus possibles grâce à un implant cérébral, renversent les hypothèses précédentes sur les capacités de communication des personnes qui ont perdu tout contrôle musculaire volontaire.
Dans ses derniers stades, la sclérose latérale amyotrophique (SLA) peut entraîner un isolement extrême. À cause de cette maladie neurologique, les gens perdent en effet le contrôle de leurs muscles et au bout d’un moment, la communication devient de plus en plus difficile. Certains peuvent néanmoins utiliser une caméra de suivi oculaire pour sélectionner des lettres sur un écran (comme Stephen Hawking), quand d’autres peuvent répondre à des questions par « oui » ou par « non » avec des mouvements oculaires subtils.
Malheureusement, la plupart de ces patients meurent quelques années suivant le diagnostic, mais certains choisissent de prolonger leur vie sous ventilateur. Ces personnes peuvent alors passer des mois, voire des années à entendre sans pouvoir communiquer. Cela nous amène à cette étude.
Dans Nature Communications, des chercheurs rapportent que pour la première fois, un homme dans cet état complet d’enfermement a pu formuler des phrases simples pour échanger avec sa famille grâce à un implant.
Modifier la fréquence d’une onde sonore par l’esprit
Tout a commencé en 2016. À l’époque, l’équipe de la Dre Mariska Vansteensel, du centre médical universitaire d’Utrecht, avait rapporté qu’une femme atteinte de sclérose latérale amyotrophique (SLA) pouvait épeler des phrases avec un implant cérébral capable de détecter les tentatives de mouvements de sa main. Cependant, cette personne avait encore un contrôle minimal de certains muscles. Ainsi, on ignorait alors encore un cerveau ayant perdu tout contrôle sur le corps pouvait réellement signaler ou non les mouvements voulus de manière suffisamment cohérente pour permettre une communication significative.
Le participant de cette nouvelle étude, un Allemand de 36 ans, a commencé à travailler avec une équipe de l’Université de Tübingen en 2018, alors qu’il pouvait encore bouger les yeux. Conscient qu’il en serait bientôt incapable, il a demandé aux chercheurs de travailler sur un implant lui permettant de maintenir la communication avec sa famille. Sa femme et sa sœur ont fourni un consentement écrit.
Pour ces travaux, les chercheurs ont inséré deux réseaux d’électrodes dans la partie du cerveau qui contrôle les mouvements. L’équipe s’est alors tournée vers le processus de neurofeedback, au cours duquel l’activité neuronale du patient était mesurée et lui était présentée en temps réel. Le but était que ce dernier arrive à autoréguler son activité neuronale supposée sous-tendre un comportement.
Après plusieurs semaines d’entraînement, l’homme a finalement appris à générer une activité cérébrale pouvant modifier la fréquence d’une onde sonore grâce à un programme informatique. Il a ensuite appliqué cette même stratégie pour contrôler un programme d’orthographe lui permettant de sélectionner des lettres une à la fois pour former des mots à un rythme moyen d’environ un caractère par minute.
Une communication lente, mais possible
En tenant le ton haut ou bas, l’homme pouvait d’abord « écrire » les mots « oui » et « non » en concentrant son activité neuronale sur des lettres individuelles. Environ trois semaines plus tard, il aurait finalement réussi à produire une phrase intelligible (une demande aux soignants de le repositionner). Dans l’année qui a suivi, l’homme avait réussi à prononcer des dizaines de phrases.
Naturellement, ce n’était pas du 100%. Le patient aurait en effet réussi à faire correspondre une série de tonalités cibles avec une précision de 80% que 107 fois sur les 135 jours rapportés dans l’étude. Et il n’a pu produire une phrase intelligible que 44 fois sur ces 107 jours.
« Nous ne pouvons que spéculer » sur ce qui s’est passé les autres jours, notent les auteurs. Le participant pourrait s’être endormi ou bien il n’était simplement pas d’humeur. Peut-être que le signal cérébral était également trop faible pour que le système de décodage de l’ordinateur puisse être réglé de manière optimale.
Encore du travail et des préoccupations éthiques
L’étude montre qu’il est possible de maintenir la communication avec une personne alors qu’elle s’enferme en adaptant une interface à ses capacités grâce à un implant. Des centaines d’heures ont néanmoins été consacrées à la conception, aux tests et à la maintenance du système personnalisé. Aussi, des travaux supplémentaires seront évidemment nécessaires pour rendre la technique plus efficace et, surtout, abordable.
Cette nouvelle percée soulève également des questions éthiques. Discuter des préférences en matière de soins de fin de vie est déjà assez compliqué pour les personnes capables de parler. On imagine alors difficilement ce type de conversations et tout ce qu’elles impliquant avec l’un de ces appareils ne permettant d’énoncer que trois phrases par jour. Les défauts d’interprétations pourraient en effet avoir de lourdes conséquences.
Sur ce point, l’équipe de recherche suggère que les soins médicaux du participant ne devraient pas dépendre de ce type d’interface. Et que de telles décisions devraient systématiquement revenir aux membres de la famille.