On l’avait découvert il y a quelques semaines au sommet du mont Elbrouz, première destination de sa liste culminante, le voici qui se propulse maintenant à plus de 4000 mètres d’altitude pour poursuivre ses aventures à l’attaque des 7 Summits (ndlr : les 7 sommets les plus hauts de chaque continent). Défi relevé pour cette deuxième étape, Hugo Haasser s’est hissé sans encombre en haut du Kilimandjaro. Retour sur son incroyable périple.
Hugo Haasser continue de nous faire rêver. Quand nous l’avions interviewé dans notre premier article à son sujet (Étape 1 : le Mont Elbrouz), le jeune savoyard de 25 ans originaire de Thonon-Les-Bains nous emmenait gravir avec lui le mont Elbrouz, le sommet le plus haut d’Europe culminant à 5 642 mètres. Le prochain sur sa liste ? Le mont Kilimandjaro, le plus haut d’Afrique avec ses impressionnants 5 895 mètres.
Le Kilimandjaro, triple volcan éteint
Le mont Kilimandjaro, point culminant de l’Afrique, se situe plus précisément au nord-est de la Tanzanie. II s’agit d’un triple volcan éteint composé du Shira, du Mawenzi et du Kibo, ce dernier culminant à 5895 mètres d’altitude. Le Kilimandjaro est connu pour ses glaciers en phase de retrait accéléré qui devraient disparaître totalement d’ici 2020 à 2050 suite au réchauffement climatique et à la déforestation. Le sommet appartient au parc national éponyme où les règles d’ascension sont extrêmement strictes et où il est obligatoire d’être accompagné par un guide. Pour entreprendre l’ascension du Kilimandjaro, plusieurs voies d’accès s’offrent à ses grimpeurs. Parmi elles, la Marangu, la Lemosho, la Shira, la Rongai, l’Umbwe et la Machame.

Jour 1 : Camp Machame (2835 mètres)
Trépignant d’impatience de reprendre sa marche effrénée, Hugo repart à l’aventure un matin d’août avec un groupe d’amis alpinistes amateurs comme lui. Ils atterrissent à Nairobi au Kenya puis traversent la savane en bus jusqu’à arriver à Arusha, un petit village de Tanzanie. La porte Machame sera leur point de départ le lendemain. À cet endroit, nombreux sont les touristes qui attendent leurs autorisations (obligatoires pour gravir le toit de l’Afrique). Le programme : gravir mille mètres de dénivelé positif pour une distance d’environ onze kilomètres. Entre forêt tropicale boisée et large piste, le pas est lent par les charges, mais assuré par l’envie. En fin d’après-midi, l’équipe rejoint son premier camp sans encombre.
En amont, lorsque la partie boisée se fait de moins en moins dense, les neiges du Kilimandjaro apparaissent au loin ! Le contraste entre celles-ci et la verdure environnante est très esthétique.

Jour 2 : Camp Shira (3750 mètres)
Les conditions météorologiques sont parfaites, Hugo et ses amis poursuivent leur ascension jusqu’au camp Shira qu’ils regagnent en fin d’après-midi. Leur chemin a été noir de lave, certes, mais aussi de monde. Nombreux sont les touristes à gravir le mont peu, voire pas du tout entraînés et comptant seulement sur l’assistance de leurs guides et porteurs.
La suite du programme se déroule sur une ancienne coulée de lave où la pente devient parfois franche.

Jour 3 : camp Baranco (3900 mètres)
Après une nuit glaciale, un soleil radieux motive les troupes à se lever de bonne heure pour cette nouvelle étape : l’altitude se fait de plus en plus ressentir et le rythme s’accélère. Un détour périlleux juste pour le plaisir de s’échapper de ces hordes de touristes par Lava Tower, à tout de même 4695 mètres, et revoilà partis les fiers compagnons en direction de leur camp à Baranco, quelques mètres plus bas.

Jour 4 : Camp Barafu (4673 mètres)
Au programme de ce quatrième jour : Barranco Wall, section la plus raide de la voie d’ascension.
Plus à l’est, nous butons au pied de l’obscur Baranco Wall, la section la plus raide de la voie Machame rebaptisée Breakfast Wall en raison des personnes vomissant leur petit-déjeuner à cause de l’effort.
Notre jeune alpiniste est frappé par la facilité que les guides et porteurs croisés au hasard de son chemin ont à grimper malgré leur charge importante et leur matériel obsolète. Motivés pour finir la journée dont les conditions climatiques se dégradent, Hugo et ses compagnons attaquent la dernière pente du jour, douce, longue et régulière. Leur itinéraire vient ensuite buter contre une paroi rocheuse en aval du camp Barafu.

Jour 5 : Kilimandjaro
À une heure du matin, la tension est palpable. Le jour tant attendu est enfin arrivé. Malgré le brouillard épais et la très haute altitude, le rythme des alpinistes est plutôt bon. La fatigue commence à se sentir au fur et à mesure des lacets poussiéreux. Le moral des troupes remonte lorsqu’elles commencent à sortir des nuages à 5 300 mètres d’altitude malgré la chute des températures, glaciales. À 5 756 mètres, Hugo et ses acolytes arrivent à Stella Point, au bord de l’immense cratère du Kilimandjaro. La fin est proche et l’émotion est à son comble. Les premières lueurs du jour apparaissent à l’horizon et c’est à cet instant que les glaciers du Kilimandjaro se laissent entrevoir pour la première fois.
L’émotion est forte, je verse une larme devant le spectacle grandiose dont je suis témoin. Le ciel change de couleur toutes les minutes. Un quart d’heure s’écoule lorsque le soleil apparaît au loin, en amont de la mer de nuages qui nous entoure à 360 degrés. Je prends chacun de mes amis dans mes bras, avant de remercier chaleureusement nos guides.

Témoignage
Nous avons recueilli le témoignage d’Hugo à froid, quelques semaines après sa seconde ascension.
Vous revoilà revenu d’une nouvelle aventure ! Comment s’est passée cette seconde ascension ?
Rares sont les ascensions et les voyages qui se déroulent à la perfection ! Ce fut le cas pour le Kilimandjaro. Devant obligatoirement être encadrés par des locaux, nos guides et porteurs ont réalisé leur travail à la perfection. Nous leur devons en partie notre réussite. Quant à mes amis et moi-même, nous étions physiquement prêts pour ce défi. Personne n’a été réellement souffrant mis à part les maux de tête communs durant la montée. La voie gravie a été celle de la Machame, réputée pour être l’une des plus belles. Cette aventure n’a été que du plaisir partagé.
En quoi le mont Kilimandjaro a été différent du mont Elbrouz ?
Les paysages sont très différents. En haut du Kilimandjaro, la diversité de l’environnement est incroyable. La forêt tropicale, sa faune et sa flore intrinsèques, s’enchaîne dans une ambiance lunaire pour finir avec des glaciers verticaux. L’Elbrouz ressemblerait plutôt à nos Alpes : neige et glaciers occupant essentiellement les lieux. Sommet mythique, le Kilimandjaro attire beaucoup plus de monde, surtout des touristes pas ou peu entraînés et totalement assistés par leurs porteurs. En termes de climat, l’Elbrouz est bien plus extrême, souvent pris dans la tempête où les températures peuvent descendre très bas. Au Kilimandjaro, seul le sommet est très froid. Le moyen de progression a également différé : j’ai gravi et descendu l’Elbrouz à ski, alors que le Kilimandjaro ne peut-être fait qu’à pied. La neige y est totalement absente excepté durant quelques mois de l’année. Sur l’Elbrouz, nous avions dormi en refuge, sur le Kilimandjaro, dans une tente. Aucune remontée mécanique n’est installée sur les pentes du Kilimandjaro comparé à l’Elbrouz. Enfin, la durée de l’ascension a été plus importante sur le Kilimandjaro (6 jours contre 4).
Avez-vous, là encore, ressenti des moments de peur, de doute ?
La peur et le doute ont été absents durant tout le séjour. Notre guide principal, Honest, nous a même avoué qu’il n’avait jamais eu de groupe aussi efficace. Il était convaincu que nous arriverions au bout de notre objectif.
Qu’est-ce qui a été le plus dur ?
Le dernier jour. Nous sommes partis à deux heures du matin à 4 700 mètres d’altitude. À partir de 5 300 mètres, j’ai ressenti des maux de tête assez forts. Grâce à une motivation sans faille, nous avons atteint le sommet vers 6 heures, juste avant le lever du soleil. De retour au camp, nous nous sommes écroulés dans nos tentes. La migraine n’étant pas passée pour autant, nous nous sommes dépêchés de revenir à des altitudes plus raisonnables.
Quel a été votre moment préféré dans cette aventure ?
Une question est difficile, tout a été génial dans cette expédition ! Si je devais en choisir un, je dirais l’instant au sommet : le lever de soleil à quasiment 6000 mètres d’altitude fut grandiose. Ce n’est pas pour rien que j’ai versé ma petite larme devant ce spectacle magnifique. J’ai vu pour la première fois un spectre de Brocken, phénomène optique assez rare. Je retiens également le chant de la victoire interprété par notre équipe au dernier camp à la descente. Rythmé par l’expression « Hakuna Matata », signifiant « pas de problème » en langage Swahili, ce moment fut également rempli d’émotion.
Avez-vous fait des rencontres ?
Notre équipe de guides et porteurs fut incroyable. Honest, le guide principal avec lequel j’échangeais depuis quelques mois via Facebook, a été adorable et très professionnel du début à la fin. C’est devenu un ami que j’espère revoir. Nous avons également rencontré deux Français et deux Allemandes à quasiment 3900 mètres. Nous avons joué aux cartes durant la soirée, ce fut très sympa.
Avec deux ascensions relativement rapprochées à votre actif, comment vous sentez-vous pour la suite de l’aventure ?
J’ai hâte de continuer mon défi en espérant récolter les fonds nécessaires rapidement. Je suis conscient que le plus difficile est devant moi, mais je suis très content d’avoir réussi ces deux premiers sommets sur une durée d’à peine 3 mois. Je vais poursuivre mon entraînement dans les Alpes en attendant, mêlant course à pied, ski de rando et alpinisme.
Quelle est la prochaine étape ?
La suite de l’aventure se déroulera sûrement en décembre 2018. J’aimerais gravir l’Aconcagua, point culminant de l’Amérique du Sud.
