De nombreux parents affirmeront toujours qu’ils n’ont pas d’enfant préféré, mais certains semblent pourtant inconsciemment en privilégier un par rapport aux autres même s’ils les aiment tous. Cela soulève une question : qu’est-ce qui fait d’un enfant un enfant doré ? De nouvelles recherches pourraient détenir la réponse et montrent qu’il existe de nombreuses raisons scientifiques à cela. En effet, cette méta-analyse montre que les parents ont réellement des enfants préférés, généralement du côté des filles, des aînés et de ceux qui présentent certains traits de personnalité précis.
Une méta-analyse pour étudier le phénomène d’enfant favori
Si les enfants uniques sont préservés de la rivalité fraternelle, de nombreux frères et sœurs partagent quant à eux une question commune : qui est le préféré ? Selon les idées reçues, on entend souvent que le petit dernier peut parfois profiter d’une éducation plus permissive et laxiste tandis que l’aîné doit prendre en charge la responsabilité de la fratrie, mais peut parallèlement avoir le droit de faire plus de choses, étant plus grand. Mais qu’en est-il en réalité et y a-t-il forcément un chouchou ?
Eh bien, selon une étude publiée le 16 janvier dans le Psychological Bulletin par l’American Psychological Association, l’ordre de naissance, le tempérament et le genre peuvent effectivement tous influencer la manière dont vous éduquez votre enfant ainsi que vos préférences. Pour cette méta-analyse, les chercheurs ont analysé des données provenant de trente études et quatorze bases de données, ce qui couvre 19 469 personnes. Ces travaux ont par ailleurs été menés uniquement en Amérique du Nord et en Europe occidentale, principalement auprès de personnes blanches, ce qui signifie que les résultats pourraient ne pas s’appliquer à d’autres groupes démographiques.
Les chercheurs de l’Université Brigham Young (Utah, États-Unis) ont examiné comment l’ordre de naissance, le genre, le tempérament et les traits de personnalité (extraversion, amabilité, ouverture, conscienciosité et névrosisme) étaient liés au favoritisme parental. L’équipe de recherche s’est penchée sur cinq aspects : le traitement global, les interactions positives, les interactions négatives, l’allocation des ressources et le contrôle. En effet, les parents peuvent manifester leur favoritisme de diverses manières, notamment dans leurs interactions avec leurs enfants, les sommes d’argent qu’ils leur consacrent et le contrôle qu’ils exercent sur eux.

Des résultats clairs, nets… et surprenants
Les chercheurs s’attendaient à ce que les mères préfèrent leurs filles et les pères leurs fils comme l’avaient suggéré d’autres études par le passé. Toutefois, ils ont en réalité constaté que les deux sexes préfèrent légèrement leurs filles. Les résultats suggèrent en effet que les filles et les femmes sont peut-être plus faciles à élever. Parmi les traits de personnalité évalués, les enfants consciencieux (c’est-à-dire responsables et organisés) semblaient également recevoir un traitement plus favorable. Cela suggère que les parents trouvent ces enfants plus faciles à gérer et y réagissent donc plus positivement. « Étant donné que les enfants consciencieux sont probablement plus conscients et attentifs aux schémas familiaux et aux humeurs, ils peuvent générer moins de conflits avec un parent que d’autres frères et sœurs », note l’étude.
Concernant l’ordre de naissance, les parents avaient tendance à accorder plus d’autonomie aux aînés, probablement parce qu’ils sont plus matures. Les chercheurs ont également examiné si les relations parents-enfants étaient influencées par d’autres facteurs tels que l’âge de l’enfant, le sexe du parent ou la manière dont le favoritisme était mesuré. Ils ont trouvé que ces facteurs pouvaient bel et bien jouer un rôle, mais de manière minimale, ce qui souligne la complexité du favoritisme parental.

Le favoritisme : une bonne ou une mauvaise chose ?
Selon la Dr Ellen Weber Libby, psychologue clinicienne à la retraite devenue autrice non affiliée à l’étude, le favoritisme peut être temporaire et changer en fonction des circonstances. « Peut-être que l’enfant que vous favorisez possède une qualité qui vous rappelle une grand-mère bien-aimée que vous avez perdue ou peut-être est-il attentif à vos émotions et vous aide après une journée difficile », questionne-t-elle.
En tout cas des impacts négatifs ET positifs pour l’enfant
« Depuis des décennies, les chercheurs savent que le traitement différencié des parents peut avoir des conséquences durables pour les enfants », rappelle Alexander Jensen, professeur associé à l’Université Brigham Young. « Cette étude nous aide à comprendre quels enfants sont plus susceptibles de bénéficier du favoritisme, qui peut être à la fois positif et négatif ». Les enfants qui bénéficient d’un traitement préférentiel ont en effet tendance à avoir certains avantages par rapport à ceux qui n’en bénéficient pas. L’étude révèle qu’ils ont une meilleure santé mentale, de meilleures notes, une plus grande capacité à réguler leurs émotions comme des relations plus saines.
Au contraire, « les enfants qui sont traités de manière moins favorable courent un risque accru de consommation de substances, de problèmes de santé mentale et de relations familiales plus difficiles. Ils ont également tendance à avoir plus de problèmes à l’école et à la maison », ajoute Jensen. Cependant, être l’enfant préféré n’est pas toujours un avantage. Ces individus peuvent être surprotégés, ce qui ne leur apprend pas les compétences essentielles pour la vie future. Ils peuvent aussi ressentir une pression à se conformer à certaines attentes pour obtenir de l’attention et des soins, ce qui peut les empêcher de vivre librement.

Comment maintenir l’équité entre chaque enfant ?
Les chercheurs espèrent que leurs conclusions encourageront les parents à être plus conscients de leurs biais et à s’efforcer de traiter tous leurs enfants de manière juste. Selon Jensen, la clé est d’être honnête avec soi-même sur tout traitement préférentiel qui pourrait surgir et d’agir en conséquence. « Le défi est que les frères et sœurs sont différents les uns des autres et doivent être éduqués différemment à certains égards, mais de manière saine et appropriée ».
Selon le chercheur, si les enfants comprennent pourquoi ils sont traités différemment de leurs frères et sœurs, ils en ressentent moins les effets négatifs. Jensen évoque à ce titre de son propre vécu au sein d’une fratrie de cinq enfants et en tant que parent de trois petits : « Je suis le plus jeune de six enfants, avec un écart de cinq ans et demi avec mon aîné. Quand j’avais six ou sept ans, je devais me coucher plus tôt que mes frères et sœurs. Cela me rendait fou ! ». Pourtant, cela tenait simplement au fait qu’il était plus jeune et eux adolescents. Il ajoute qu’en tant que parent, sa fille aînée se plaignait d’avoir moins de robes que sa sœur cadette avant de comprendre que cette dernière héritait simplement de ses vieux vêtements.
« J’aime ces histoires parce qu’elles montrent que le favoritisme n’est généralement pas extrême, comme dans Cendrillon et ses demi-sœurs », explique Jensen. « Il repose souvent sur des différences de parentalité qui sont appropriées, mais mal comprises ». Jensen espère donc que cette étude incitera les parents à réfléchir à leur propre comportement et à s’assurer que les différences de traitement sont justes et comprises par leurs enfants. Il souligne également l’importance d’écouter les retours des enfants et de garder l’esprit ouvert aux observations de l’entourage.
Vous pouvez consulter l’étude complète sur ce lien.