Ce parent des crocodiles pouvait aussi respirer facilement en noyant ses proies

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Crédits : Masato Hattori

Tout comme leurs proches parents, les crocodiliens modernes développent des structures spécialisées empêchant l’eau de s’écouler par la gueule et dans leurs voies respiratoires. Des scientifiques ont récemment identifié le même mécanisme chez une espèce nouvellement décrite qui évoluait pendant le Jurassique.

Adaptations pour un mode de vie semi-aquatique

Les crocodiliens modernes sont les descendants d’une lignée de prédateurs semi-aquatiques très efficaces. Ils ont notamment hérité de plusieurs caractéristiques uniques comme un long museau plat, des orbites faisant face dorsalement, des narines refermables, un palais secondaire et une valve gulaire.

Dans le détail, le palais secondaire sépare le passage narial de la cavité buccale. Ces régions peuvent être isolées les unes des autres en soulevant le pli ventral de la valve gulaire à la base de la langue pour entrer en contact avec le pli dorsal à l’extrémité postérieure du palais.

Un crocodilien qui se prélasse sur terre respire généralement par la gueule, tandis que sous l’eau, la combinaison du palais secondaire et de la valve ventrale fermée à la base de la langue permet aux crocodiles de manipuler leurs proies tant que leurs narines externes sont au-dessus de la surface. Ces caractéristiques très importantes sur le plan évolutif ont d’ailleurs peut-être aidé les crocodiliens à survivre à l’extinction du Crétacé qui a anéanti la plupart des dinosaures.

Cela étant dit, dans l’histoire évolutive des crocodyliformes, ce palais secondaire est présent chez les crocodyliformes néosuchiens, tels que les eusuchiens, les paralligatoridés et les goniopholidés dérivés. En revanche, l’histoire de la valve gulaire est beaucoup plus mystérieuse. Le pli ventral de la valve gulaire intègre un basihyal cartilagineux qui comprend l’appareil hyoïde avec une paire de cératobranches. Si le basihyal ne s’ossifie pas, les cératobranches le font, mais ils se font rares dans les archives fossiles. D’où l’intérêt de cette nouvelle découverte.

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Un squelette monté d’ Amphicotylus milesi .Crédits : Gunma Museum of Natural History)

Un parent du Jurassique

Les Goniopholididae sont un groupe de crocodyliformes néosuchiens basaux trouvés dans l’hémisphère nord au Jurassique et au Crétacé inférieur. Nous savions que les goniopholidés avaient le museau long plat et le palais secondaire des crocodiliens modernes qui, on vient de le dire, sont considérés comme des caractéristiques clés de l’évolution précoce du plan corporel des crocodiliens et de leur adaptation aquatique.

Récemment, des chercheurs ont cette fois identifié la présence d’une valve gulaire chez une espèce nouvellement décrite nommée Amphicotylus milesi. Leurs travaux sont publiés dans la Royal Society Open Science.

Il s’agit du spécimen le mieux conservé à ce jour de Goniopholididae du Wyoming (États-Unis). L’animal évoluait il y a environ 155 millions d’années.  Autrement dit, il s’agit de la plus ancienne preuve d’adaptation permettant à ces animaux de submerger leur tête (et leurs proies) sous l’eau tout en étant capables de respirer par les narines au-dessus de leur museau.

Le squelette quasi intact avait été découvert en 1993. Vivant, le reptile mesurait environ 2,3 m de long et pesait un peu plus de 200 kg. A. milesi développait un crâne de plus de quarante centimètres de long et son large museau allongé représentait environ 60% de la longueur de son crâne.

Enfin, des sutures non fusionnées dans certains de ses os suggèrent qu’il s’agissait ici d’un juvénile en pleine croissance. À l’âge adulte, les chercheurs estiment que cet animal aurait pu mesurer environ 3,7 m de long et peser près de 350 kg.