Une nouvelle étude publiée dans Biological Conservation remet en question une hypothèse commune sur la façon dont la protection des espèces charismatiques, comme les pandas, permet par la conservation d’animaux moins connus.
Le panda, une espèce parapluie ?
On entend souvent dire que les pandas sont un excellent exemple d’espèce parapluie – un animal charismatique et en danger dont la protection profite à tout un écosystème. Mais est-ce vraiment le cas ? Pas réellement, d’après les nouvelles recherches du Dr Wang, écologiste à l’Université Fudan de Shanghai.
La conservation des pandas est un exemple de succès. Très en difficulté dans les années 80 (un peu plus de 1000 individus seulement), l’espèce a depuis rebondi grâce aux efforts des autorités chinoises qui, dans les années 90, ont défini 67 zones protégées spécifiques aux pandas représentant 70 % de l’aire de répartition initiale de l’espèce.
Ces efforts ont depuis payé. En 2014, le pays recensait en effet plus de 1 800 spécimens à l’état sauvage. De fait, on a alors déterminé que les espèces évoluant dans ces mêmes zones profitaient elles aussi de ces efforts de conservation.
Le Dr Wang, remarquant de moins en moins de traces et d’excréments de cerfs porte-musc et autres ours noirs dans le centre de la Chine, a commencé à remettre en question cette idée il y a quelques années. Avec son équipe de la Michigan State University, ils ont alors disposé plus d’un millier de caméras infrarouges dans et autour de huit réserves naturelles de pandas dans les montagnes Qinling et Minshan.

« Un seul parapluie aura inévitablement quelques trous »
Collectant des données pendant trois ans, les chercheurs ont pu déterminer quels habitats étaient les plus fréquentés par neuf espèces de mammifères, y compris les pandas. S’appuyant sur des données satellitaires, ils ont ensuite examiné si ces habitats avaient augmenté, diminué ou étaient restés les mêmes pour chacune des espèces au cours des dix années précédentes.
Les chercheurs ont alors découvert que les deux espèces menacées citées plus haut – l’ours noir d’Asie et le cerf porte-musc – étaient de moins en moins présentes dans les zones protégées préférées des pandas. Et inversement, dans les zones privilégiées par ces deux espèces, les populations de pandas semblaient diminuer.
Autrement dit, « nous savons désormais que lorsque nous protégeons les pandas, nous perdons des ours noirs d’Asie, des cerfs porte-musc et probablement de nombreuses autres espèces », résume le Dr Wang. « Le point clé à retenir est qu’un seul parapluie aura inévitablement quelques trous. Nous devons arrêter de nous focaliser sur une seule espèce et nous concentrer sur l’ensemble de la communauté animale ».
Ces résultats font par ailleurs écho à d’autres recherches publiées il y a quelques mois suggérant que la protection des pandas n’avait pas profité à certains grands carnivores présents dans le pays, comme les loups et les léopards des neiges.
Ces nouveaux travaux renforcent ainsi les préoccupations concernant l’approche de la conservation des espèces dites « parapluie ». Si ces animaux permettent la collecte de fonds importants, les futurs efforts de conservation devront également prendre en compte les espèces plus discrètes ayant d’autres besoins.

Une réaction positive
Les conclusions de cette étude ont été plutôt bien accueillies pas les autorités chinoises, à la grande surprise du Dr Wang.
D’ailleurs, des efforts supplémentaires et différents ont déjà été mis en œuvre, le gouvernement chinois évoquant déjà l’intégration d’un réseau de surveillance multi-espèces dans le nouveau parc national du panda géant, dans le centre du pays. « Ils ne sont peut-être pas satisfaits de cette découverte, mais je pense qu’ils vont de l’avant pour éviter que des résultats similaires ne se reproduisent », explique-t-il.
De son côté, le Fonds mondial pour la nature chinoise, qui travaille avec le gouvernement, a récemment inclue les léopards des neiges dans sa stratégie de conservation.