Oublier les choses pourrait vraiment vous rendre plus intelligent

Crédits : iStock

Deux chercheurs de l’Université de Toronto, au Canada, rappellent dans un article publié dans Neuron que la mémoire ne vise pas à transmettre l’information la plus précise, mais plutôt l’information la plus utile, celle qui permet une prise de décision plus intelligente.

Oublier ne veut pas dire que vous êtes stupide et comme le note Marie-Céline Jacquier pour Futura-Sciences : « une mémoire efficace ne se conçoit pas comme une accumulation de données : la conservation d’informations trop précises peut en effet s’avérer contre-productive ». Oublier le superflu permet en effet au cerveau de se concentrer sur l’important. L’idée rappelle un peu cet épisode de The Big Bang Theory où Sheldon laisse les dés décider à sa place des décisions primaires pour permettre à son cerveau de se concentrer sur « l’essentiel », à savoir l’étude de la matière noire.

Comme le rappellent Blake Richards et Paul Frankland dans leur papier, le cerveau ne fait pas que du stockage de données, il s’évertue aussi à les effacer : « il est important que le cerveau oublie des détails non pertinents et se concentre plutôt sur les choses qui vont aider à prendre des décisions dans le monde réel », explique Richards. « Nous trouvons beaucoup de preuves provenant de recherches récentes qu’il existe des mécanismes neuronaux qui favorisent la perte de mémoire et que ceux-ci sont distincts de ceux impliqués dans le stockage de l’information », explique cette fois-ci Frankland.

Alors, pourquoi le cerveau s’évertue-t-il à essayer de nous faire oublier certaines choses ? Richards et Frankland pensent qu’il y a deux raisons. D’une part, l’oubli nous aide à nous adapter à de nouvelles situations en lâchant des souvenirs dont nous n’avons plus besoin. Si votre café préféré s’est déplacé de l’autre côté de la ville, oublier son ancien emplacement vous aide à vous rappeler le nouveau par exemple. D’autre part, l’oubli nous permet de généraliser les événements passés pour nous aider à prendre des décisions concernant les nouveaux, un concept connu dans l’intelligence artificielle comme la « régularisation ». Si vous vous souvenez de l’essentiel de vos visites précédentes au café plutôt que de tous les petits détails insignifiants, vous déterminerez ainsi plus facilement et plus rapidement le comportement à adopter la prochaine fois que vous irez boire votre café.

« Si vous essayez de naviguer dans le monde et que votre cerveau émet constamment de multiples souvenirs conflictuels, cela vous rend plus difficile de prendre une décision éclairée », explique Richards. Comment le cerveau s’y prend-il ? Deux mécanismes sont à l’œuvre : l’un d’eux consiste à affaiblir des connexions synaptiques entre neurones qui servent à coder la mémoire, tandis que l’autre en génère de nouveaux à partir de cellules souches : « quand les neurones s’intègrent dans l’hippocampe, les nouvelles connexions remodèlent les circuits existants, ce qui rend plus compliqué l’accès à certaines informations. Ceci expliquerait pourquoi les enfants, chez qui l’hippocampe produit plus de nouveaux neurones, oublient beaucoup d’informations », peut-on notamment lire sur Futura-Sciences.

Ainsi il ne fait aucun doute que l’oubli d’informations peut être vécu comme une expérience frustrante — et peut-être d’ailleurs le signe de problèmes plus graves —, mais cette nouvelle recherche suggère ici qu’un certain niveau d’oubli est en fait un mécanisme bien intégré conçu pour être plus intelligent.

Source