En analysant un os, une équipe de chercheurs pense avoir peut-être identifié la plus ancienne preuve de cannibalisme chez nos ancêtres humains. Le tibia d’une ancienne espèce humaine présentait en effet des marques de coupe incroyablement similaires à celles créées par des outils en pierre sur des os d’animaux. Les détails de l’étude sont publiés dans Scientific Reports.
Bien que l’on suppose que les homininés du Pliocène et du début du Pléistocène étaient parfois victimes de la prédation de nombreux grands carnivores avec lesquels ils coexistaient, les preuves de telles interactions restent relativement rares.
En 2011, des chercheurs avaient finalement répertorié une dizaine d’hominidés datés d’il y a entre six millions d’années et 50 000 ans qui semblaient présenter de telles preuves de prédation provoquées par des carnivores terrestres ou des rapaces.
En juillet 2017, Briana Pobiner, anthropologue à la Smithonian Institution, a entrepris une étude sur les restes de l’un de ces spécimens découverts dans la région de Turkana, au Kenya, datés d’environ 1,45 millions d’années. Son objectif était donc de caractériser ces fameux dommages infligés aux ossements par d’anciens carnivores. À la place, la chercheuse et son équipe ont trouvé autre chose.
Des marques de coupe intentionnelles
En analysant l’un des tibias de ce spécimen, les chercheurs ont en effet identifié ce qui ressemblait non pas à des marques de morsures, mais à des marques de coupe, suggérant que cet os avait été travaillé par un outil. Pour confirmer leur hypothèse, l’équipe a répertorié toutes les marques visibles et les a entrées dans une grande base de données avant de les comparer à d’autres marques de prédation à travers une série d’expériences.
Au total, neuf des onze marques examinées correspondaient bien à des outils en pierre. Les deux autres étaient considérées comme des marques de morsures probablement infligées par un grand félin à dents de sabre.

Une preuve de cannibalisme ?
En regardant de plus près où se trouvaient les marques d’outils, les chercheurs ont également compris qu’elles se situaient autour des zones où le muscle rencontrait l’os dans une direction cohérente, comme si quelqu’un était assis en train de couper la viande de l’os. Selon les chercheurs, ces résultats ne laissent que très peu de place au doute.
« Les informations dont nous disposons nous disent que les homininés mangeaient probablement d’autres homininés il y a au moins 1,45 million d’années« , souligne Briana Pobiner dans un communiqué. « Il existe de nombreux autres exemples d’espèces de l’arbre évolutif humain se consommant pour se nourrir. Néanmoins, ce fossile suggère que les parents de notre espèce pratiquaient le cannibalisme pour survivre plus loin dans le passé qu’on ne le pensait ».
Bien sûr, il n’est pas impossible que ces ossements aient été travaillés ainsi pour être exposés ou enterrés. Cependant, les marques de coupe ressemblent beaucoup à ce que les chercheurs ont l’habitude de voir sur les ossements d’animaux transformés pour la consommation. Par ailleurs, il ne s’agit pas non plus nécessairement de cannibalisme. Pour que l’acte puisse être classé comme tel, il faudrait prouver que les deux individus impliqués (le mangeur et le mangé) étaient de la même espèce. Or, c’est impossible de le déterminer à l’heure actuelle.