Les neutrinos extragalactiques seraient fabriqués aux confins de l’Univers

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Crédits : Christoph Burgstedt/iStock

Les neutrinos, ces particules n’interagissant quasiment jamais avec la matière ordinaire, font partie des objets de l’infiniment petit qui passionnent et interrogent les physiciens depuis le début du XIXe siècle. À l’heure où nous parlons, une équipe scientifique vient tout juste de déterminer l’origine des neutrinos extragalactiques, ces corpuscules neutres qui nous rendent visite depuis le fin fond de l’espace.

Les neutrinos solaires produits par notre étoile nous atteignent et nous traversent à hauteur de 65 milliards par cm2 chaque seconde. Cependant, jusqu’à aujourd’hui, les astrophysiciens avaient émis différentes hypothèses quant aux lieux de naissance des neutrinos cosmiques lointains, sans pour autant détenir de preuves concrètes. Or, un rapport affirme que ces éléments de masse pratiquement nulle (0,8 électronvolt, équivalent à 1,4 x 1036 kg) seraient issus de blazars, d’immenses objets astronomiques profondément reculés. Les travaux sont publiés dans la revue The Astrophysical Journal Letters.

Qu’est-ce qu’un blazar ?

Un blazar (pour « source radio éclatante quasi stellaire », ou blazing quasi-stellar radiosource en anglais) est un quasar très concentré alimenté par un trou noir supermassif au sein duquel sont expulsés de puissants jets de particules accélérées jusqu’à une vitesse proche de celle de la lumière. Ainsi, ces particules obtiennent une formidable énergie, finissant par couvrir l’ensemble du spectre électromagnétique. En outre, la luminosité émise dépasse celle d’une galaxie tout entière. Par ailleurs, un blazar demeure indissociable des noyaux galactiques actifs et se hisse en haut du classement des monstres astronomiques aux réactions les plus violentes que l’Univers puisse contenir.

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Illustration d’un quasar. Crédits : DESY, Science Communication Lab

Les usines à neutrinos astrophysiques authentifiées

Les sources de neutrinos demeurent un sujet d’étude controversé. La spéculation d’un fort lien entre ce type de corpuscules et les blazars a d’ailleurs conduit l’équipe de scientifiques, sous la houlette de Sara Buson, professeure à l’institut de physique théorique et d’astrophysique à l’Université de Wurtzbourg, à entamer un projet de taille en 2021. L’objectif était de sonder les émissions de signaux hautement énergétiques en provenance de blazars afin d’établir une connexion avec les neutrinos extragalactiques perçus sur Terre.

Pour commencer, il a fallu optimiser les modélisations numériques simulant la création des jets relativistes issus de ces « accélérateurs de particules » naturels, en se basant sur des données recueillies auprès de plusieurs blazars, dont celui qui porte le nom de code TXS 0506+056.

Ensuite, en croisant les relevés de l’Observatoire de neutrinos IceCube situé au pôle Sud (un centre de détection par collision de neutrinos contre la glace, produisant des leptons chargés se heurtant à leur tour à des tubes photomultiplicateurs) à ceux du positionnement des blazars connus par le BZCAT (registre de blazars), les spécialistes ont pu simuler l’accrétion de matière et son éjection. Selon cette méthode, les résultats se sont montrés des plus tranchants : le recoupement des données a ainsi assuré la création de neutrinos sur chaque modélisation, hormis une fois sur un million de récurrences. Par conséquent, d’après les lois de probabilité, la création des neutrinos astrophysiques se déroule bel et bien au cœur des blazars.

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Carte du ciel. Les carrés noirs représentent les correspondances entre les positions des blazars et la direction des neutrinos détectés sur Terre. Crédits : Sara Buson et coll./The Astrophysical Journal Letters

Pourquoi les blazars donneraient-ils naissance aux neutrinos ?

Voilà un pas de plus franchi par la science de l’astrophysique qui tente un peu plus chaque jour de comprendre et d’expliquer en détail le commencement ainsi que le contenu de l’Univers. Les neutrinos, ces particules messagères voyageant d’un bout à l’autre du cosmos en traversant littéralement toute matière baryonique, pourraient grandement participer à la résolution de ce mystère qu’est l’origine de l’espace et du temps. Par ailleurs, le JWST lancé en orbite début 2022 contribue à cette investigation cosmologique.

En recherche scientifique, les réponses apportent souvent autant de questions. C’est pourquoi l’équipe de chercheurs espère maintenant déceler les raisons qui amènent un objet céleste à émettre ce type unique de rayonnement et pourquoi d’autres n’en sont pas capables. En définitive, la route paraît encore longue et sinueuse avant de dénicher toutes les clefs du savoir universel. Toutefois, c’est là que résident le charme et la beauté des découvertes spatiales. Soyons en tout cas certains que les mondes intimement liés du microcosme et du macrocosme (physique quantique et astrophysique) n’ont pas fini de nous surprendre.